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qui est défendu. La mission de l’expert est de décider si l’état du système nerveux du sujet lui a permis ou non de bien peser et de bien juger ces mobiles et ces motifs, si l’état de son système nerveux lui a permis de savoir ce qu’il faisait, de comprendre la portée de son acte, si l’état de son système nerveux le laisse ou non responsable. Ce qui m’a fait dire que l’on peut appeler responsable, au point de vue biologique et médical, l’homme qui a des centres nerveux sains, en état de juger sainement la valeur comparée des divers mobiles et motifs.

Le rôle du médecin-expert décidant la responsabilité est donc tout différent du rôle du magistrat décidant la culpabilité. Un juré peut acquitter un sujet déclaré responsable par le médecin, sans qu’il y ait contradiction entre les deux verdicts. Mais un juré ne devrait pas pouvoir condamner un sujet que le médecin déclare irresponsable. La responsabilité physiologique est un élément nécessaire, mais non suffisant, de la culpabilité.

D’où cette formule qui aurait peut-être paru révolutionnaire sans les explications qui précèdent : la responsabilité physiologique ou médicale (la seule que le médecin doive et puisse étudier et juger à l’état normal et pathologique) est fonction des neurones psychiques, des centres cérébraux du psychisme. Dès lors, on a le droit de faire intervenir dans l’appréciation de la responsabilité la notion de la multiplicité et de la complexité de ces centres cérébraux psychiques.

D’une manière générale, tous les centres cérébraux du psychisme ne sont pas égaux devant la responsabilité. On n’est pas responsable de ses actes psychiques inférieurs, qui sont automatiques et inconsciens ; on est responsable de ses actes psychiques supérieurs, qui sont volontaires et consciens.

On comprend donc qu’il y ait, d’un côté, des cas extrêmes de responsabilité intacte ou d’irresponsabilité absolue et, d’autre part aussi, des cas intermédiaires de demi-responsabilité ou de responsabilité atténuée.

Le sujet hypnotisé dont les centres supérieurs ne fonctionnent pas, qui obéit passivement à l’hypnotiseur, est irresponsable des actes commis dans l’hypnose. Le psychasthénique dont les centres supérieurs, sans être annihilés au moment de l’acte criminel, sont faibles, se laissent facilement distraire et désagréger de leurs centres inférieurs, n’est ni irresponsable ni responsable. Il n’est pas armé devant la tentation du crime