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— qu’ils ont éprouvé le besoin de nous raconter leur vie ; et puisqu’en effet ils se sont mis eux-mêmes dans leur œuvre, il semble bien que ces Confessions, ces Mémoires personnels et ces Confidences dussent être le commentaire indispensable de leurs romans ou de leurs poèmes. Mais plus on étudie cette littérature de confidences, plus on se rend compte à quel point elle est sujette à caution. On ne peut accepter que sous les plus expresses réserves la déposition de ces témoins témoignant dans leur propre cause. Et l’historien qui veut établir leur biographie sur des fondemens inattaquables, est d’abord obligé d’éprouver soigneusement chacun des matériaux qu’eux-mêmes lui apportent.

C’est une enquête de ce genre qu’un jeune écrivain, M, Adolphe Boschot, est en train de mener au sujet des Mémoires de Berlioz[1]. Il nous l’annonce avec quelque solennité, et, tout fier d’une découverte qu’il vient de faire au cours de son travail, il s’empresse de déclarer que désormais la biographie devra tenir lieu de la critique. Celle-ci sera biographique ou elle ne sera pas. Le temps n’est plus aux idées générales, dont la vanité éclate désormais à tous les yeux ; le système de Taine craque de tous les côtés ; il reste à Sainte-Beuve l’honneur de s’être acheminé par la critique vers la biographie ; mais il s’est arrêté à mi-route ; il n’était pas tout à fait dépourvu d’idées ; ç’a été chez lui le défaut… Comme on le voit, M. Boschot n’est pas ennemi du paradoxe ; cela donne, en certains endroits de ses livres, du piquant à sa manière. Apparemment il sait combien de problèmes une biographie, si complète soit-elle, laisse sans solution et que c’est de l’étude même de ces problèmes qu’est faite la critique littéraire. La critique commence à l’instant précis où elle dépasse le cas particulier pour s’élever à quelque chose de plus général par quoi il s’explique. Et il est trop aisé de confondre une idée générale avec une généralisation arbitraire et vague. Sans doute encore M. Boschot n’ignore pas qu’une biographie exacte et judicieuse est un travail relativement aisé, quand on possède d’ailleurs une ample provision de documens, et quand on a du talent, ce qui est le cas du nouveau biographe de Berlioz. La vérité est que la critique a besoin de toute sorte d’auxiliaires. Elle se sert de l’histoire des sociétés et de celle des individus, comme elle met à profit l’esthétique et l’histoire naturelle. Les recherches biographiques

  1. Adolphe Boschot, la Jeunesse d’un romantique, Hector Berlioz, 1 vol. in-12 ; Pion. — Joseph Bédier, Études critiques, 1 vol. in-12 ; Colin. — Georges Bertrin, Sainte-Beuve et Chateaubriand, 1 vol. in-12 ; Lecoffre. — Édouard Champion, Itinéraire de Paris à Jérusalem, par Julien, domestique de M. de Chateaubriand, 1 vol. in-12 ; Honoré Champion. — Université de Paris. Bibliothèque de la Faculté des Lettres, Mélanges littéraires, t. XXI, 1 vol. in-8o ; Alcan.