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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/120

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agression non provoquée, de l’argent, des armes et des troupes. » Que l’avis de lord Northbrook prévalût, et c’était la question de l’Afghanistan résolue. Mais l’attitude de M. Gladstone fut tout autre que ne l’espérait le gouvernement de l’Inde. Le Premier, qui avait pourtant apporté tous ses soins à la conclusion du traité anglo-russe, quand il s’agit de tirer les conséquences de cet accord, recula et donna l’ordre de répondre à l’envoyé de l’émir « qu’il convenait de renvoyer à un moment plus opportun la discussion de la question des relations définitives à établir entre l’Afghanistan et l’Inde. »

On a reproché à M. Gladstone la timidité et l’indécision dont il fit preuve en cette occurrence, et l’on a voulu voir dans son attitude la cause première des complications qui advinrent par la suite ; et, certes, ce manque de résolution serait peu explicable, si l’on ne tenait compte de l’état de l’opinion et des idées qui régnaient à cette époque en Angleterre en matière économique et coloniale. L’histoire de la politique coloniale de la Grande-Bretagne entrait alors dans sa troisième phase. Après le système de l’exploitation directe des colonies par la métropole qui avait pris fin avec la proclamation de l’indépendance des États-Unis, après l’abandon du système du paiement de subsides annuels donnés par la mère patrie pour couvrir les frais d’administration de ses possessions, venait de s’ouvrir l’ère de la liberté et de l’autonomie pour les colonies, avec la charge pour elles d’assurer les dépenses de leur administration intérieure. « Donnez aux colonies le self-government, avait dit, en 1849, Cobden à Manchester, et, en même temps, mettez à leur charge les frais de gouvernement ; » et il ajoutait comme corollaire que les colonies ne devenaient être retenues à la métropole que par l’affection et ne devaient être prisées que pour le mouvement commercial auquel elles donnaient lieu. On ne voulait plus faire de sacrifices, soit en hommes, soit en argent, pour les colonies ; on ne voulait plus entendre parler de difficultés et de complications lointaines ; on cherchait surtout à favoriser le développement économique et commercial de la métropole. Le Foreign-Office était entré dans cette voie. Même, dans les Indes, étaient des vice-rois qui estimaient que la meilleure condition de stabilité d’un empire colonial devait reposer, non sur l’acquisition de nouveaux territoires ou l’extension du protectorat britannique sur les contrées adjacentes aux Indes, mais sur la reconnaissance et l’affection