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contre Khiva. Malgré l’échec de ces dernières, les Russes avaient réussi à prendre pied en 1852 dans le khanat de Kokhand. En 1865, Tachkend était enlevé, quelques mois plus tard, Khodjent, et, en 1868, le général Kaufman s’emparait de Samarcande et obligeait le khan de Boukhara à devenir vassal de la Russie. En 1873 enfin, trois colonnes lancées simultanément contre Khiva avaient raison de la place. Par ces dernières conquêtes, la Russie touchait à l’Amou-Daria, au Pamir et devenait limitrophe de l’Afghanistan sur toute la frontière nord de ce pays ; et dès lors se trouva posée la question de la détermination de la frontière russo-afghane, entre la Russie et l’Angleterre, toute-puissante à Caboul et forte des traités d’amitié conclus avec Dost-Mohammed et Shere-Ali. Par le traité conclu en 1872, la frontière nord de l’Afghanistan fut déterminée, d’un commun accord, par une ligne allant de Sarakhs à Khodja Saleh, bac de l’Oxus sur la route de Boukhara à Balk, puis remontant l’Amou-Daria jusqu’au confluent de la Koktcha, englobant ainsi le Badakchan et le Wakan. Ce traité doit être considéré comme un des plus beaux triomphes de la politique coloniale de Gladstone. En consentant à ce que l’Angleterre fixât exclusivement avec elle la question de la frontière nord du pays afghan, la Russie s’engageait à ne pas dépasser la limite alors tracée et laissait le champ libre à sa rivale. L’Afghanistan était ainsi reconnu implicitement graviter dans l’orbite de l’empire anglo-indien, et ce magnifique résultat, le gouvernement britannique l’obtenait, sans qu’il eût eu à dépenser ni un soldat ni un écu.

Il ne restait plus dès lors au gouvernement de l’Inde qu’à faire accepter par l’émir d’Afghanistan les conséquences de l’accord anglo-russe. Aucune difficulté ne paraissait devoir être soulevée de ce côté. Même Shere Ali, pensant qu’après la signature de cet accord, le meilleur parti pour lui était de prendre les devans, venait d’envoyer, à la fin de 1873, un de ses ministres à Simla, afin de se rendre compte de l’appui qu’il pourrait trouver auprès du gouvernement de l’Inde dans les difficultés d’ordre intérieur ou extérieur qui pourraient surgir. Le vice-roi de l’Inde, lord Northbrook, entrant dans les vues de l’émir, proposa alors au Foreign-Office d’assurer au gouvernement afghan que « à la condition qu’il acceptât de se conduire suivant les avis de la Grande-Bretagne dans toutes ses relations extérieures, on lui fournirait, si cela devenait nécessaire pour repousser une