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Nomme au commandement en chef de l’armée des Indes, lord Kitchener, en vue de remédier à cet état de choses, a exposé le 28 octobre 1904 un plan nouveau d’organisation et d’entraînement de l’armée des Indes. Ce plan doit avoir pour résultat d’augmenter les forces réparties sur la frontière du Nord-Ouest, sur les voies ferrées conduisant au pont de Sukkur, sur l’Indus, et de là à Quettah et à New-Chaman, et sur les diverses lignes donnant accès, du Sud-Est et du Sud-Ouest, à Rawal-Pindi, Peïchawer et Dera-Ismaïl-khan, et cela en vue de rendre possible une avance rapide vers Candahar, Caboul et les districts de l’Afghanistan septentrional pour parer à l’éventualité d’une marche en avant des Russes venant du Turkestan.

Certes, le plan de lord Kitchener se défend par la logique militaire, et il est bon de tout prévoir ; mais, depuis deux ans, des événemens ont surgi, qui ont modifié la situation générale en Asie. La guerre russo-japonaise a eu lieu, et ses résultats en même temps que le traité anglo-japonais du 12 août qui fait concourir les troupes japonaises à la défense de la frontière de l’Indus, rendent la menace du péril russe plus éloignée que jamais, si tant est que ce péril ait jamais réellement existé. D’ailleurs, les intérêts de la Russie et de l’Angleterre ne sont pas tellement opposés que ces deux États ne puissent vivre de l’un et de l’autre côté de l’Hindou-Kouch, sans que la sécurité de l’un exige comme nécessaire l’exclusion de l’autre de l’Asie. Beaucoup de bons esprits pensent que l’expansion russe n’a pas pour but nécessaire et défini la conquête de l’Inde, pas plus que la sécurité de l’Inde ne commande la conquête du Turkestan russe.

Suzeraine du khan de Béloutchistan, installée dans le district de Quetta, alliée de l’Afghanistan, maîtresse de Tchitral, du Siwistan, du Cafiristan et de la passe de Khaïber, l’Angleterre est désormais en possession des garanties stratégiques qu’elle déclarait indispensables à la sécurité de la voie terrestre de l’Inde, comme par l’annexion de l’Hadramaout, le protectorat récent de Kowéit, la prédominance de son influence à Mascate, elle s’est rendue maîtresse de la voie maritime. Elle est ainsi parvenue à son but qui était de dominer d’une manière exclusive les deux grandes routes de l’Inde. La Russie, de son côté, a, maintenant que la guerre avec le Japon est terminée, à développer dans ses possessions de l’Asie centrale une œuvre surtout économique, moins fertiles en conflits que les délimitations de frontière qui ont