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LES JOURNEES
ET
LES NUITS JAPONAISES

II[1]


SOUS LES GLYCINES DE NARA

C’était un matin de mai. Je venais de Kyoto. Je descendis à une petite gare sale et délabrée, et je suivis une route un peu montante, bordée de boutiques, d’où se ramifiaient à droite des ruelles de village. La capitale des Empereurs du VIIIe siècle, la première des villes japonaises qui reçut le Bouddha, n’est plus que l’ombre d’elle-même ; mais il nous est facile de l’imaginer. Ses rues, où l’on continue de fabriquer des éventails et de sculpter des statuettes de bois, se prolongeaient très loin dans la plaine et grimpaient sur tous les mamelons des alentours, jusqu’aux collines qui ondulent à l’horizon. C’étaient des rues comme on en trouve partout au Japon, sans style et sans âge. Il n’en fût resté que dix maisons, et Nara n’aurait rien perdu, car sa vie, sa beauté, son âme est dans son parc.

J’arrivai bientôt devant un lac arrondi qu’un sentier vert contourne et que domine une pagode à cinq étages. D’un côté, la ville se pressait en demi-cercle ; de l’autre, la route blanche s’enfonçait sous les bois. Au premier tournant de la grande avenue, je m’arrêtai, charmé. Une forêt de cryptomérias et d’érables, dont chaque arbre est plusieurs fois centenaire me

  1. Voyez la Revue du 1er février.