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Le vieil empereur Constantin V, l’énergique adversaire des images, ne pensait guère, en ordonnant ces pompes, en posant le diadème des Césars sur la tête de cette jeune femme, que cette frêle basilissa allait détruire l’œuvre de sa vie et faire perdre le trône à sa dynastie.


I

Comme Athénaïs-Eudocie, la femme de Théodose II, Irène était Athénienne de naissance ; comme elle, elle était orpheline, lorsque des circonstances ignorées de nous, et où sa beauté sans doute joua le rôle essentiel, firent d’elle une belle-fille d’empereur. Mais là s’arrête la ressemblance entre les deux princesses. L’Athènes du VIIIe siècle en effet différait étrangement de celle du Ve. Ce n’était plus la cité païenne et lettrée, la ville d’université, pleine de la gloire des écrivains antiques et du souvenir des philosophes illustres, gardant pieusement à l’ombre de ses temples la mémoire des dieux proscrits. C’était, au siècle d’Irène, une petite ville de province, tranquille et dévote, où le Parthénon était devenu une église, où sainte Sophie avait chassé Pallas-Athénè de l’Acropole, où les saints avaient remplacé les dieux. Dans un tel milieu, une éducation, et surtout une éducation de femme, ne pouvait plus guère être ce qu’elle était au temps d’Athénaïs. Comme la plupart de ses contemporaines, Irène était croyante et pieuse, d’une piété exaltée et ardente, qu’enflammaient encore les événemens de l’époque troublée où elle vivait.

Un grave conflit religieux agitait alors, depuis plus de quarante ans déjà, l’empire byzantin : on était au plus fort de la lutte qu’on a nommée la querelle des images. Il ne faudrait point pourtant que cette appellation, d’apparence trop strictement théologique, fit illusion sur le caractère véritable de cette crise redoutable : il s’agissait en l’affaire de bien autre chose que d’une mesquine question de discipline ou de liturgie. Assurément les empereurs iconoclastes, dévots comme tous les hommes de leur temps, apportaient dans le débat des convictions religieuses ardentes et sincères ; un des objets que se proposait leur réforme était de relever le niveau moral de la religion, en la débarrassant de cette sorte de paganisme renaissant que leur semblait être l’adoration excessive des images de la