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Vierge et des saints. Mais un autre point les préoccupait davantage : ils étaient effrayés surtout de la puissance qu’avaient acquise dans l’État, par leurs richesses, par leur influence, les défenseurs attitrés des images, les moines. Au vrai, c’était, dès le VIIIe siècle, — si étrange que la chose puisse paraître dans un empire très chrétien comme était Byzance, — la lutte entre le pouvoir civil et les congrégations.

Contre elles, l’empereur Constantin V, âme passionnée, volonté énergique, avait mené la bataille avec une particulière âpreté. Par ses ordres, on avait procédé à des exécutions brutales, souvent même sanglantes. Les couvens avaient été laïcisés, les religieux expulsés, emprisonnés, exilés ; Constantinople était presque vide de moines. Et la société byzantine tout entière, entraînée dans la lutte, se partageait en deux camps. C’était d’un côté le monde officiel, l’épiscopat de cour, les fonctionnaires, les hautes classes sociales, l’armée enfin, toute dévouée à un victorieux comme était Constantin V. De l’autre côté, c’était le bas clergé, les classes moyennes, le peuple, les femmes, dont la mystique piété, éprise des magnificences du culte, amoureuse du luxe des églises, ne pouvait se résoudre à abandonner les icônes miraculeuses et vénérées.

Irène était femme, et issue par surcroît d’une province ardemment attachée aux images. Ses sympathies n’étaient donc point douteuses. Mais, au moment où elle entrait dans la famille impériale, la persécution était dans toute sa force ; et aux côtés du redoutable Constantin V, il n’eût point fait bon manifester des sentimens d’opposition trop déclarés. Irène cacha donc soigneusement ses croyances. Elle fit plus : elle prêta même, sur la demande de son beau-père, an solennel serment de ne jamais accepter les images ; et on voit ici, dès ce moment, apparaître, en cette âme un peu trouble, quelque chose de cet esprit de dissimulation et de cette absence de scrupules qui y éclateront plus tard si fortement.

Toutefois, malgré cette apparente soumission, la piété de la jeune femme n’était point une piété stérile. On le vit bien quand, en 775, Constantin V mourut, et que le nouvel empereur Léon IV, peut-être sous l’influence d’Irène, très grande au début du règne, relâcha quelque chose des anciennes rigueurs. Résolument la basilissa agit. Aussi bien beaucoup de femmes gardaient-elles pieusement les images proscrites : la légende raconte qu’au