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Une intrigue habilement ourdie assura à Irène le seul pouvoir qui lui manquât encore, le patriarcat. En 784, brusquement, — sans avoir pris l’avis du gouvernement, affirme Théophane, plus vraisemblablement pourtant sur des suggestions venues du palais, — le patriarche Paul donna sa démission et se retira dans un monastère, déclarant à qui voulait l’entendre que, plein du remords de ses péchés, il voulait expier les crimes commis par lui contre les images et mourir du moins en paix avec Dieu. Irène exploita fort adroitement cette décision, qui fit grand bruit dans la capitale et, à la place de Paul, elle choisit, pour le mettre à la tête de l’Eglise, un homme sûr, un laïque, le secrétaire impérial Tarasios. Celui-ci, un politique intelligent et souple, joua admirablement le rôle que lui avait sans doute prescrit la souveraine. Quand son nom fut mis en avant, quand l’impératrice elle-même le pria d’accepter la désignation qu’on faisait de lui et de se laisser élire, il se récusa, déclina la charge qu’on lui voulait imposer, demanda qu’on lui permît d’expliquer devant le peuple les causes de son refus. Et dans un long discours, abondamment, il insista sur l’état déplorable de l’Eglise, sur les discordes qui la troublaient, sur le schisme qui la séparait de Rome, et très adroitement, mettant à ce prix son acceptation, il lança l’idée d’un concile œcuménique, qui restaurerait la paix et l’unité dans le monde chrétien. En même temps, par un détour habile, il désavouait le synode iconoclaste tenu en 753 et lui déniait toute autorité canonique, comme n’ayant fait qu’enregistrer des décisions illégalement prises en matière de religion par l’autorité civile. Ayant ainsi préparé le terrain aux projets de la basilissa, finalement il se laissa faire et, ayant reçu d’un seul coup tous les degrés du sacerdoce, il monta sur le trône patriarcal.

Avec un allié si précieux, Irène crut pouvoir agir à visage découvert. Des convocations, lancées par tout l’empire, appelèrent à Constantinople, pour le printemps de 786, les prélats de la chrétienté, et déjà l’on se croyait sûr de la victoire. Mais on avait compté sans l’opposition d’une partie des évêques, sans l’hostilité surtout des régimens de la garde impériale, fidèles au souvenir de Constantin V et fermement attachés à la politique de ce glorieux empereur. On s’aperçut de l’erreur commise dès le jour où le concile s’ouvrit dans l’église des Saints-Apôtres. Les évêques siégeaient solennellement ; dans les catéchumènes de la