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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/193

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basilique, Irène avec son fils assistaient à la séance ; en chaire, Platon, abbé de Sakkoudion, l’un des plus ardens défenseurs des> images, prononçait une homélie appropriée aux circonstances, lorsque brusquement, l’épée à la main, les soldats se ruèrent dans l’église, menaçant de mort les prélats. Vainement Irène, non sans courage, tenta de s’interposer et de calmer l’émeute ; ses efforts furent impuissans, son autorité méconnue. Les évêques orthodoxes furent insultés, bousculés, dispersés ; et à cette vue, les prélats du parti iconoclaste, s’associant à l’armée, se mirent à applaudir et à crier : « Nous avons vaincu ! nous avons vaincu ! » Irène elle-même n’échappa point sans quelque peine « aux griffes de ces lions, » comme écrit un chroniqueur ecclésiastique, et ses partisans, encore que son sang n’eût point coulé, magnifiquement la proclamèrent martyre.

On avait été trop vite : tout était à recommencer. Cette fois, on biaisa pour aboutir. La basilissa et son premier ministre déployèrent dans cette tâche tout leur esprit d’intrigue et toutes leurs ruses. Par de l’argent, par des promesses, on gagna aux vues du gouvernement les corps d’armée asiatiques, toujours jaloux des troupes qui tenaient garnison dans la capitale. Puis on annonça une grande expédition contre les Arabes. Les régimens de la garde partirent les premiers en campagne : aussitôt on les remplaça à Constantinople par les divisions dont on s’était assuré la fidélité ; en même temps, pour forcer les récalcitrans à l’obéissance, on arrêtait les femmes et les enfans, on saisissait les biens des soldats expédiés à la frontière ; maître de ces précieux otages, le gouvernement put sans péril casser, licencier, disperser les régimens mal disposés de la garde. Irène avait maintenant l’appui indispensable à ses projets, une armée à elle sous des chefs dévoués. Malgré cela, elle ne se risqua point à recommencer à Constantinople même la tentative manquée en 786. Le concile œcuménique se réunit à Nicée en 787 ; sous l’influence toute-puissante de la cour, du patriarche et des moines, il anathématisa sans hésitation les décisions iconoclastes de 753 et rétablit dans toute son ampleur le culte des images et l’orthodoxie. Puis, au mois de novembre 787, les Pères du concile se transportèrent dans la capitale, et dans une dernière séance solennelle tenue au palais de la Magnaure, en présence des légats du pape Hadrien, Irène signa de sa main les canons qui restauraient les croyances qu’elle aimait.