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une série de mesures libérales : elle accordait de largos remises d’impôts, remaniait-le système de l’administration des finances, diminuait le poids des douanes de terre et de mer et la charge des taxes qui frappaient les objets de consommation et l’industrie, se faisait bien venir des pauvres par ses fondations charitables. Et Constantinople enchantée acclamait sa bienfaitrice.

Cependant, autour de la souveraine vieillie, de sourdes intrigues se tramaient à la cour : les favoris d’Irène se disputaient sa succession. Le trône en effet, elle morte, était vide : du premier mariage de Constantin VI, deux filles seulement étaient nées ; quant aux enfans du second, le fils aîné Léon était mort, âgé de quelques mois à peine ; l’autre, venu au monde après la chute de son père, était considéré comme un bâtard, issu d’une union illégitime et déchu de tout droit à l’empire. Aussi les deux eunuques qui gouvernaient la monarchie, Staurakios et Aétios, rêvaient-ils également de conquérir le pouvoir pour leurs proches et poussaient leurs parens sur la route des honneurs. La santé de plus en plus délabrée d’Irène autorisait au reste de prochaines espérances. Pourtant, jusqu’à la fin jalouse de son autorité suprême, âprement soupçonneuse contre quiconque semblait menacer sa couronne, la vieille basilissa défendait tenacement le trône conquis par son crime.

Et ce fut, pendant plus d’une année, au Palais Sacré, une succession de dénonciations incessantes, de scènes violentes, de brusques disgrâces et de retours de faveur inattendus, Aétios dénonçant l’ambition et les complots de Staurakios, Staurakios fomentant des révoltes pour perdre Aétios, et entre les deux, Irène, flottante, inquiète, irritée, sévissant et pardonnant tour à tour. Et il y a quelque chose de tragique vraiment dans cette lutte entre la vieille impératrice épuisée, mais se cramponnant désespérément au pouvoir, et le tout-puissant ministre, malade lui aussi, crachant le sang, s’obstinant, entre les mains des médecins mêmes et à la veille de mourir, à conspirer encore et à espérer le trône contre toute espérance. Il succomba le premier, vers le milieu de l’année 800 Pendant que la cour byzantine se consumait eu ces disputes stériles, à ce moment même, dans Saint-Pierre de Rome, Charlemagne restaurait l’empire d’Occident.

On dit qu’un projet grandiose germa dans la tête du César germanique et de la vieille souveraine de Byzance, celui d’un