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J’attendais le bonheur que les petites filles
Rêvent si fortement,
Quand l’odeur du benjoin et des vertes vanilles
Evoque un jeune amant ;

Je cherchais quelle aimable et soudaine aventure,
Quel enfantin vizir
Dans ce palais plus tendre et frais que la Nature
Allait me retenir.

Ah ! si, tiède d’azur, la terre occidentale
Est paisible en été,
Les langoureux trésors que l’Orient étale
Brûlent de volupté.

O colliers de coraux, ô nacres en losanges,
O senteurs des bazars ;
Vergers sur le Bosphore, où des raisins étranges
Sont roses comme un fard !

Vie indolente et chaude, amoureuse et farouche,
Où tout le jour l’on dort,
Où la nuit les désirs sont des chiens, dont la bouche
Se provoque et se mord.

Figuiers d’Arnaout-keuï, azur qui luit et tremble,
Monotone langueur
De contempler sans trêve un horizon qui semble
Consacré au bonheur.

Hélas ! pourquoi faut-il que les beaux paysages
De rayons embrasés,
Penchent si fortement les mains et les visages
Vers les mortels baisers ?

Tombes où des turbans coiffent les blanches pierres,
O Morts qui sommeillez,
Ce n’est pas le repos, la douceur, les prières
Que vous nous conseillez !