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On est un corps avec des antennes de miel,
Une âme avec des feux, des ailes, des pétales,
On est tout l’Univers enivré sous le ciel…
Mais un jour, ce sommeil dans la terre natale !


ENFANCE ORIENTALE


J’ai vu Constantinople étant petite fille,
Je m’en souviens un peu.
Je me souviens d’un vase où la myrrhe grésille,
Et d’un minaret bleu.

Je me souviens d’un soir aux Eaux-Douces d’Asie ;
Soir si traînant, si mou,
Que déjà, comme un chaud serpent, la Poésie
S’enroulait à mon cou.

Une barque passa, pleine de friandises,
O parfums balancés !
Des marchands nous tendaient des pâtes de cerises
Et des cédrats glacés.

Une vieille faisait cuire des aubergines
Sur l’herbe, sous un toit,
Le ciel du soir était plus beau qu’on n’imagine,
J’avais pitié de moi.

Et puis j’ai vu, cerné d’arbres et de fontaines,
Un palais rond et frais,
Des salons où luisaient une étoile d’ébène
Au milieu des parquets.

Un lustre clair tintait au plafond de la salle
Quand ou marchait trop fort ;
J’étais ivre d’ardeur, de pourpre orientale,
Mais j’attendais encor.