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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/214

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vous sourirez alors, songeant à Théophile…

Mais déjà, vers l’ouest, le soir vient sur la ville
Vous êtes morte, hélas ! je n’ai pas ce repos.
Un sang de rose pourpre erre autour de mes os,
Le plaisir, plus semblable aux larmes qu’à la joie,
M’isole de langueur, me recouvre et me noie.
Ce qui n’est plus n’est plus, pour moi comme pour vous
Tout mon jeune passé fait trembler mes genoux.
Et sous le vert arceau chargé de clématites,
Je songe au temps, Sylvie, où nous étions petites
— Pourquoi voulais-je voir ta rêveuse maison
Qui m’emplit de soupirs, de peur, de pâmoison
De cette déchirante et perfide espérance
De retrouver enfin les bonheurs de l’enfance ;
— Comme vous agissez sur notre cœur, soudain,
Humble terrasse. avec des chaises de jardin.


LE VALLON DE LAMARTINE


C’est de la joie et de la joie.
L’arbre s’étend, le ciel se noie
Dans son calice bienheureux.
Ce bonheur vert ! Ce bonheur bleu !
Soupirs de la terre enivrée.
Toute la plaine est affairée ;
Des essaims de guêpes en feu
Viennent et vont, vives, légères,
C’est une ivresse ménagère ;
Que de combats pressés, stridens,
Il semble que de fines dents
Mordent tout le luisant herbage ;
Quelle ardeur, quel feu, quelle rage !
C’est un chant si vibrant, si long,
C’est comme un brûlant violon
Où le soleil appuie et ploie
Son bel archet de jaune soie.
L’Univers se double dans l’eau,
Que tout est clair ! Que tout est beau !
— Douce touffe d’herbe amoureuse
Qu’un papillon écarte et creuse,