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Sureaux aux parfums framboises
Par le vent du matin baisés,
Fleur frêle qu’un insecte incline,
Chaude cigale cymbaline
Qui dans la molle ardeur du pré
Fait retentir un chant cuivré ;
Les parasols de l’angélique
Protègent du soleil oblique
La scabieuse qui brûlait
Sa houppe de miel violet.
C’est une odeur partout éclose
De sucre, de poivre, de rose,
De pampre, de lin, de gruau…
— Le Vallon, entre ses coteaux
Que parfument de molles menthes,
Comme un vase aux parois charmantes
Contient la liquide douceur
De cent petites sources sœurs.
On entend bruire la course
De ces joyeuses, folles sources !
Où allez-vous vous dirigeant,
Petites sirènes d’argent,
En quittant les sommets limpides
D’où vos blanches eaux se dévident ?
De quels bonds souples, déliés,
Vous descendez l’escalier
D’herbe, de pierre, à tire-d’ailes !
O pauvres sources infidèles,
Vous ne reverrez jamais plus
Les verts coteaux qui vous ont plu,
L’aurore si rose et si proche
Au sommet de la haute roche ;
Torrent si pressé, si hâtif
Qui semblez être le pouls vif
Du temps qui fuit, irrémédiable,
Comme votre fureur m’accable,
Comme vous criez à mon corps :
Le jour se meurt, le jour est mort !…
Comme vous dites : Courons vite
Où lu beau plaisir nous invite.