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Craignons de perdre sous le ciel
Un peu de temps essentiel.
Avant, hélas ! que l’on s’enfonce
Sous la terre âpre ou sous la ronce
Où l’onde, où l’homme sont jetés,
Epuisons les divins étés !
Le suc du cœur ou de l’écorce
Ne fuit pas avec moins de force
Vers le ravin universel
Que ce torrent continuel !… »
Hélas ! je le sais, et j’écoute
Ce galop du temps sur la route…
— Mais quel appel à l’horizon ?
C’est une divine chanson ;
Des cloches tendres, opalines,
Semblent s’envoler des collines ;
Beaux oiseaux immatériels
Dont le vol chante sous le ciel,
Leur force molle se dilue
Dans l’air où le soleil afflue.
Il semble que le firmament
Soit tout un clair balancement
D’argent, d’azur, de mélodies…
— Cloches aux bouches arrondies,
Colombes au brin d’olivier,
Ah ! c’est en vain que vous rêviez
De m’apporter la paix céleste
Sur votre aile dansante et preste,
Et dans la langueur d’un beau soir
D’annoncer un divin espoir.
Petites cloches insensées,
O campanules renversées,
Fleurs au pistil mélodieux,
Il n’est plus de cieux et de dieux.
Vous n’êtes qu’une blanche cendre
Qui sur la terre va descendre,
Vous n’êtes dans mon cœur d’été
Qu’un peu plus d’âpre volupté,
Qu’une plus profane antienne
Dans mon âme dionysienne,