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n’est pas partagée par la majorité de nos journaux. On a adressé de vifs reproches à M. Révoil. L’Allemagne, a-t-on dit, a décliné autrefois les conversations auxquelles nous l’avions conviée : donc, plus de conversations en tête à tête avec elle ! C’était bon avant, mais non pas pendant la Conférence. On ajoutait que M. Révoil savait mieux que personne à quoi s’en tenir sur l’impossibilité d’une entente directe avec l’Allemagne, et que c’était par conséquent à la Conférence seule qu’il devait s’adresser. Entre le système allemand et le système français, elle prononcerait : puisqu’on devait finir, pourquoi ne pas commencer aussi par là ? Ces observations ont leur valeur, mais en fait les choses ne se passent pas habituellement ainsi dans une conférence diplomatique. Tout se prépare discrètement dans l’intervalle des séances, et celles-ci ne s’ouvrent que lorsque l’accord est intervenu. Les puissances qu’on qualifie de neutres, c’est-à-dire celles qui n’ont pas de graves intérêts engagés dans les questions pendantes, les grandes et encore bien plus les petites, répugnent à prendre parti entre les parties contendantes, et une affaire ne leur semble tout à fait mûre que lorsqu’il ne reste plus qu’à en enregistrer la solution. Mettez-vous d’accord, disent-elles, nous opinerons ensuite. Il faut d’ailleurs voir les choses dans leur réalité objective : toute la difficulté à Algésiras vient de l’opposition entre la France et l’Allemagne. On doit donc tout tenter pour la réduire, et, si on n’y réussit pas par des conciliabules préalables, on ne sera certainement pas plus heureux en séance.

On a donc cherché à s’entendre, mais on n’y est pas encore parvenu. La divergence entre l’Allemagne et nous est apparue ce qu’elle est, c’est-à-dire très grande : nous ne voulons pas dire irréductible, parce qu’il ne faut employer ce mot qu’à la dernière extrémité et quand tout espoir est définitivement perdu. En somme, l’Allemagne veut appliquer à tout, au Maroc, le principe de l’internationalisation, dont la conséquence est, à ses yeux, l’égalité absolue de toutes les puissances. La France serait l’égale de la Belgique, de la Hollande ou de la Suède qui sont représentées à la Conférence, ni plus, ni moins, et l’Allemagne serait l’égale de la France. C’est là ce que nous ne pouvons pas accepter : en le faisant, nous perdrions les avantages de la spécialité qui a été reconnue à nos intérêts. Il ne s’agit pas pour nous d’amour-propre ; si nous avions obéi à ce sentiment, il y a longtemps que la rupture définitive serait accomplie ; mais il s’agit, comme nous l’avons déjà expliqué, de la sécurité de l’Algérie qui serait sérieusement compromise le jour où nous aurions introduit toute l’Europe sur sa frontière occidentale. C’est donc, demande l’Allemagne, un