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conseiller aux parlemens est en moyenne de 140 000 francs. Variable d’ailleurs suivant les ressorts, moins chère à Bordeaux, à Metz ou à Pau, qu’à Dijon ou à Rouen. Une présidence aux Cours des aides, surtout aux Chambres des comptes de province, montait à 200 000 et 250000, aux Parlemens à 300 000 et 400 000 francs. A Rouen, les présidens « à mortier, » — c’est-à-dire, ceux de la Grand’Chambre, — trouvent preneurs de leur office à 500 000 francs, somme partout atteinte par les « premières présidences » des cours entre lesquelles était partagé le royaume.

A Paris, ces taux sont beaucoup dépassés ; ils vont de 270 000 francs, pour les simples conseillers à la Cour des aides, à 400 000 francs pour les maîtres des comptes. Les avocats généraux au Parlement atteignent 1 200 000 francs, le lieutenant civil au Châtelet 1 350 000, les présidens à mortier 2 millions, et l’on sait que Fouquet, peu de temps avant sa chute, vendit sa charge de procureur général pour une somme peu inférieure à 5 millions.

A vrai dire, il passa pour s’être laissé tenter par une offre exceptionnelle et avoir fait un marché très avantageux.

Le prix des offices fléchissait un peu lorsque le Roi faisait des créations nouvelles. Le Parlement de Paris, dont le ressort s’étendait sur 31 départemens, avait un effectif deux fois supérieur à celui de nos cours de Cassation et d’appel réunies : 21 présidens de chambres, dont 7 à mortier, 56 maîtres des requêtes et 200 conseillers. Cependant il y avait toujours très peu de ces charges-là sur le marché. Une fois entrées dans le patrimoine de certaines races, elles n’en sortaient guère : comme ces valeurs rares, classées dans des portefeuilles opulens, sur lesquelles il n’est pas souvent donné au public de mettre la main. Le fils succédait au père, le neveu à l’oncle, le gendre à son beau-père. Les parlemens devenaient de vastes familles : trois ou quatre frères y siégeaient ensemble, dans la même chambre, et des parens de tout degré à l’infini. La loi sur les incompatibilités ne fut jamais observée ; c’était un inconvénient. Il y en avait d’autres : on entrait trop jeune au prétoire et l’on en sortait trop vieux.

Il y avait aussi de bons côtés : l’esprit traditionnel, la force de la durée, compensaient, dans cette magistrature ainsi constituée, l’anomalie de sa base. Ces gens-là se tenaient fortement