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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/311

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belle comtesse de Guiche, Corisande d’Andouins, tint jusqu’à sa mort l’abbaye de Châtillon. Sully avait quatre abbayes et n’était pas le seul protestant dans ce cas.

Ce type de valeurs et de revenus est particulier aux derniers siècles. Rien ne peut leur être comparé, ni aujourd’hui, ni au moyen âge. Ce ne sont ni des placemens, ni des salaires. Par leur origine, ils font partie, et même une partie très importante, de la propriété foncière ; par leur destination, ils rentrent dans la catégorie des bienfaits pécuniaires dont l’État monarchique récompensait ses principaux serviteurs ; tandis que l’Etat féodal récompensait ses vassaux par l’octroi des terres et que l’Etat démocratique actuel récompense ses partisans par le don des emplois publics. Le gouvernement de Louis XIV n’avait plus de placés à donner, puisqu’il les avait vendues, et la concession qu’il faisait des bénéfices ecclésiastiques ne coûtait rien au Trésor, puisque ces fonds n’étaient pas à lui. Ce qui sortait des caisses royales c’était une quinzaine de millions de francs, chaque année, payés à titre de pensions à des grands seigneurs, des généraux, des magistrats, des conseillers et secrétaires d’Etat et à des « officiers commensaux » subalternes. Les mieux traités, sur la liste, étaient des princes du sang, qui touchaient 500 000 francs ; les moindres, comme le « joueur de paume du Roi, » recevaient 10 000 francs par an.

Le caractère dominant des grandes, ou simplement belles fortunes de l’ancien régime, c’est donc de dépendre de l’Etat, soit qu’elles en viennent, soit qu’elles y aillent. Dès le XVIIe siècle il n’y a presque pas d’opulences foncières notables, même dans la classe aristocratique qui passe pour la principale propriétaire du sol. les duchés par exemple n’ont d’éminent que leur titré ; leur revenu ne l’est pas. Sauf deux ou trois exceptions, comme celui d’Uzès qui rapporte 290 000 francs, ou celui d’Angoulême dont le bâtard de Charles IX, qui en fut le dernier possesseur, obtenait 231 000 francs, aucun duché ne rapporte plus de 100 000 francs sous Louis XIV ; et, sous Louis XV, lorsqu’on eut assis les titres de nouvelle création, sur de simples châtellenies corsées de quelques seigneuries avoisinantes, la moitié des ducs ne tiraient pas 50 000 francs de rente du domaine dont ils portaient le nom.

Il arriva, par la nature des placemens et des gains à espérer, que tous les riches de France firent, peu ou prou, partie de