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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/438

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ne lui auraient pas manqué : de nouveaux griefs s’étaient déjà accumulés dans ses dossiers depuis le règlement du 19 février, qui d’ailleurs n’avait pas été suivi d’exécution et qui ne soumettait pas à l’arbitrage les réclamations postérieures au 23 mai 1899 ; une intervention collective de toutes les grandes puissances intéressées aurait pu aboutir, à ce moment-là, à la constitution d’une commission analogue à celle que les ministres étrangers avaient proposée en 1894, et peut-être serait-on parvenu à prévenir le retour des complications et des conflits. À ces bénéfices éventuels, le cabinet de Paris préféra les avantages de l’abstention ; des raisons de politique générale paraissent, en cette circonstance, n’avoir pas été étrangères à sa détermination ; il ne crut sans doute pas opportun de participer, en compagnie de l’Allemagne, à une action navale qui pouvait paraître dirigée contre les Etats-Unis. La modération et l’attitude pacifique de la France furent d’ailleurs mal récompensées, puisque la Cour de La Haye accorda un traitement préférentiel aux créances des puissances qui avaient pris part à l’intervention armée. Par une étrange ironie, c’est la partie qui avait refusé de recourir à la force qui succombait devant ce pacifique tribunal ! De cette crise, nous ne retirions d’autre bénéfice que le protocole de Washington (27 février 1903) qui admettait la validité des réclamations françaises postérieures au 23 mai 1899, tandis que la suprématie des Etats-Unis dans les mers américaines en sortait mieux affermie, la doctrine de Monroë plus enracinée, et le Venezuela encouragé dans son mauvais vouloir à l’égard des Européens. Les incidens de 1902-1903 préparaient un résultat plus inattendu : la communauté de leur action avait ébranlé le bon accord de l’Allemagne et de l’Angleterre ; les procédés violens du gouvernement de Berlin provoquaient dans tout le monde anglo-saxon un mouvement anti-germanique dont le rapprochement franco-anglais, conclu l’année suivante, apparaît, dans une certaine mesure, comme l’aboutissement.


IV

Les événemens de 1902-1903 et l’intervention anglo-allemande semblent avoir enraciné, dans l’esprit du président Castro, une méfiance tenace vis-à-vis de tous les étrangers ; autant que sa politique a été capable de suite, elle semble s’être,