Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par trois croiseurs italiens ; ils se hâtèrent de présenter une note à payer de treize et de vingt millions et appuyèrent leurs réclamations par la saisie des navires vénézuéliens, par le bombardement, sans déclaration de guerre, de Puerto Cabello, et par le blocus ; un croiseur allemand se donna le plaisir d’envoyer par le fond, à coups de canon, deux canonnières vénézuéliennes. Des procédés aussi violens ne pouvaient manquer de provoquer l’intervention des Etats-Unis ; l’amiral Dewey concentra dans les eaux cubaines une puissante flotte, en même temps que le président Castro demandait un arbitrage. Les puissances coopérantes eurent un instant l’espoir de prendre M. Roosevelt à son propre piège en lui demandant d’assumer lui-même le rôle d’arbitre ; il se serait trouvé ainsi dans le cas de se prononcer contre un État américain dont ni les torts, ni les dettes, n’étaient discutables, ou de se brouiller ouvertement avec les trois puissances ; mais le Président, flairant le danger, s’était empressé de réclamer, lui aussi, au Venezuela le règlement d’une vieille dette ; il put alléguer qu’il ne pouvait être juge et partie, et il obtint des puissances coopérantes qu’elles soumissent leur différend à la Cour de La Haye. Mais, au moment où le principe de l’arbitrage l’emportait, des incidens nouveaux semblaient manifester, de la part de l’Allemagne, le dessein d’envenimer la querelle et d’entraîner l’Angleterre, comme on l’a dit, à une reconnaissance offensive contre la doctrine de Monroë ; une canonnière allemande pénétrait dans le lac de Maracaïbo et bombardait, sans résultat d’ailleurs, le fort de San Carlos ; en même temps, des incidens diplomatiques surgissaient à propos du traitement préférentiel que les puissances intervenantes prétendaient obtenir pour leurs créances aux dépens des anciens créanciers dont le plus considérable était la France. Après de longs pourparlers, ce nouveau débat fut également déféré à la Cour de La Haye qui, contre l’attente générale, et bien que la guerre n’eût jamais été déclarée, donna raison aux prétentions des trois puissances (12 février 1904).

La France était restée spectatrice du conflit ; son gouvernement, ayant réglé, quelques mois auparavant, par le protocole du 19 février 1902, les questions litigieuses qu’il avait avec le Venezuela, crut devoir s’abstenir, malgré les démarches qui furent faites auprès de lui, de participer à la manifestation navale. Les prétextes ou les raisons, s’il avait voulu s’y associer,