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connaîtrons plus l’Église, c’est entendu : elle n’en existera pas moins et, à supposer qu’elle doive la perdre un jour, elle ne perdra pas tout d’un coup son influence sur une partie de l’opinion. Elle peut beaucoup pour faire de l’apaisement en France, ou pour y déchaîner la guerre : il est donc d’une sage politique de ne pas se séparer d’elle sans quelques ménagemens. Le gouvernement n’y en a mis aucun. Cette attitude lui a sans doute fait beaucoup d’honneur auprès de sa clientèle radicale, mais elle lui a causé ailleurs beaucoup plus d’embarras et de difficultés qu’on ne l’imagine. M. Ribot a conseillé de la modifier : il aurait vu des avantages à ce qu’on ne repoussât pas en principe toute conversation avec les chefs de l’Église catholique. C’est là-dessus que les radicaux attendaient le gouvernement. M. Massé lui a posé une question directe : A-t-il ou n’a-t-il pas, est-il d’avis d’avoir ou de ne pas avoir avec les évêques les rapports dont a parlé M. Ribot ? Il fallait répondre. M. Rouvier a répondu qu’il n’avait et n’aurait aucun rapport avec les représentans de l’Église. On a fait retomber sur M. Ribot la responsabilité d’avoir renversé le ministère : n’est-ce pas plutôt le ministère qui s’est renversé lui-même ? Si M. Rouvier s’est imaginé qu’en répondant comme il l’a fait à M. Massé, il se concilierait le vote des radicaux, son erreur a été grande et surtout elle a été courte. — Bien ! a déclaré M. Massé ; votre réponse nous donne pleine satisfaction, mais nous n’en voterons pas moins contre vous ; et comme le centre se trouve engagé d’honneur à faire de même, le tour est joué, le ministère est renversé. — Il l’a été effectivement par une majorité de 33 voix.

En tombant, et nous devons lui en être reconnaissans, il nous a laissé le règlement d’administration publique pour l’application de la loi de séparation. Ce règlement n’a pas encore paru au Journal officiel, mais il est fini et plusieurs journaux l’ont publié. Le nouveau ministère pourrait sans doute demander au Conseil d’État d’y introduire quelques modifications ; nous ne croyons pas qu’il le fasse ; ce serait aller contre l’opinion et susciter bénévolement un surcroit de difficultés. Tel qu’il est, ce document, si impatiemment attendu et si longtemps différé, donne satisfaction aux principales revendications des catholiques et des libéraux. Il ne pouvait pas améliorer beaucoup la loi, mais il aurait pu l’aggraver et il ne l’a pas fait. Il laisse les choses en l’état. Nous avions craint pendant quelques jours qu’il n’en fût autrement. Le gouvernement, sans qu’on ait bien su pourquoi, avait chargé une commission nommée par lui de préparer un avant-projet qui serait ensuite soumis au Conseil d’État. La Commission