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prince était horticulteur, — d’un côté descendent vers la mer, et, de l’autre, se perdent dans la montagne où ils deviennent par dégradations insensibles de plus en plus sauvages. Ils renferment dus hameaux et de petites cités ouvrières. Un escalier couvert de mousse et d’ombre conduit à la manufacture où le prince fabriquait ses fusils de chasse. Un peu plus loin, voici, dans leur installation primitive, des machines à concasser les blocs aurifères ; puis des huttes et des fours de potier, et une petite exposition des merveilleuses faïences craquelées qu’on appelle « vieux Satsuma. » Sans sortir de sa résidence, le prince surveillait ces nombreux travaux. On vendait à la ville ses poteries et ses récoltes. Et cet homme, qui semblait rechigner à l’appât des nouveautés, n’en avait pas moins fait installer la lumière électrique jusque dans ses lanternes de pierre.

Au détour d’une allée, mon compagnon se plia en deux, et j’aperçus, à quelques pas de nous, un petit garçon de cinq ou six ans, le dernier né des Shimadzu. Il était charmant.

— Que Votre Grâce veuille bien saluer Monsieur, lui dit sa nourrice.

Cet amour de louveteau, à qui la présence d’un barbare causait un étonnement mêlé d’impatience, recula tout en fixant sur moi ses yeux adorablement sincères.

— Je ne veux pas le saluer ! répondit-il.

Et, pendant que nous nous éloignions en souriant, il resta planté au milieu de l’allée, furieux et songeur.

Le soir même du jour où j’avais visité cette demeure de Daïmio, je dînais en compagnie du préfet, un ancien Daïmio, non de Kiushu, mais du Nord. Il était de nature beau parleur ; mais la liberté de son entretien venait en grande partie de ce que nous étions l’un et l’autre, à un degré différent, des étrangers à Kagoshima. Il avait remplacé un préfet envoyé comme lui d’une province lointaine et dont les efforts s’étaient brisés contre l’entêtement des Satsuma qui ne voulaient être administrés que par un des leurs. Le gouvernement avait tenu bon, et le vicomte Kano s’était fait accepter dans la place.

Nous parlions des gens de Kagoshima et des difficultés pour un fonctionnaire à gagner leur confiance.