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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/61

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France[1] entre dans de grands détails sur le cérémonial du repas dont on n’avait point vu le pareil depuis Marie-Thérèse. Aucun de ces honneurs n’avait été en effet accordé par Louis XIV à la pauvre Dauphine Bavière, dont nous avons raconté la mélancolique destinée. Par avance, la Duchesse de Bourgogne était traitée en reine.

Une dernière question restait à régler immédiatement, celle du deuil. En principe, les deuils de cour se portaient comme les portait le Roi, car il était « le modèle de la Cour. » Mais l’usage n’était pas qu’on portât le deuil de ses descendans. Le Roi n’avait point porté le deuil de la Dauphine Bavière. Il ne devait pas porter davantage le deuil de Monseigneur, de sorte que, sans une décision spéciale, personne ne l’aurait porté. Le Roi avait commencé par décider qu’on ne porterait le deuil que six mois. Puis se ravisant, il ordonna qu’on le porterait un an, et il décida également, bien que lui-même ne drapât point, que, suivant la règle, les ducs, les officiers de la couronne, les princes étrangers et les grands officiers de la maison du Roi draperaient, et que ses domestiques porteraient des pleureuses pendant six semaines, et ceux des princes pendant trois mois[2]. Pour la Dauphine Bavière, le deuil n’avait été que de six mois, et personne n’avait drapé. Deux familles sollicitèrent, à cette occasion, la permission de draper. Ce furent les Châtillon qui revendiquèrent « l’honneur d’appartenir au Roi » par de très anciennes alliances, et les Beauvau qui firent valoir que la dixième aïeule paternelle du Roi était Beauvau. Le Roi y consentit.

Les affaires d’étiquette une fois réglées, il fallait rendre à la mémoire de Monseigneur les honneurs accoutumés. Ses funérailles avaient eu lieu rapidement et sans pompe. Son corps était tellement décomposé par la maladie, qu’il fut enseveli sans

  1. Mercure de France, août 1711. On appelait nef un vase généralement en argent qui avait la forme d’un navire et qui contenait la salière, la serviette et les tranchoirs ; Le cadenas était un coffret où l’on tenait sous clef les couteaux et les fourchettes. Quant au bâton, il servait autrefois au maître d’hôtel à toucher les plats qu’on pouvait servir. Pendant tout le temps du repas, le maître d’hôtel le tenait à la main. Ces usages étaient un souvenir des précautions autrefois prises contre le poison.
  2. Draper consistait à tendre des tentures noires dans son antichambre et à en revêtir ses voitures. Le Roi drapait en violet. Quand aux pleureuses, c’étaient des morceaux de toile noire qu’on attachait au haut des manches des justaucorps et au bout des manches des vestes.