Où en sont les inventaires ? M. Clemenceau a dit à la tribune du Sénat que depuis qu’il était aux affaires, — et il y était depuis une dizaine de jours, — on en avait fait quatre mille. Il en a conclu que l’application de la loi n’était ni abandonnée, ni interrompue. Mais il a ajouté que, partout où il rencontrait de la résistance, il s’arrêtait, le plaisir qu’il pouvait y avoir « à compter des chandeliers dans une église ne valant pas à ses yeux le sacrifice d’une seule vie humaine. » L’expression est humoristique, et peut-être rabaisse-t-elle un peu trop l’intérêt de la question. Mais si on le diminue aujourd’hui, hier on l’exagérait singulièrement. Il semblait que toute l’application de la loi fût liée aux inventaires, et c’est pourquoi le ministère d’alors déclarait bien haut qu’il ne reculerait pas. Ce n’étaient peut-être là que des mots. En tout cas, le gouvernement s’est rendu compte que l’émotion des catholiques, quel que fût le motif qui l’avait causée, était sérieuse, et qu’il y aurait quelque chose d’odieux à l’exaspérer encore, au risque de verser du sang sur le parvis des églises et d’avoir à y ramasser des cadavres. La proximité des élections générales, — elles auront lieu le 6 mai, — rendait pour le gouvernement cette situation particulièrement délicate. Il s’est arrêté et nous le félicitons de l’avoir fait ; mais comment ne pas manifester quelque surprise à la pensée que c’est le ministère radical de M. Sarrien qui a pris ce parti humain et prudent, alors que le ministère, plus modéré en apparence, de M. Rouvier n’avait pas osé le faire, ou du moins n’avait pas osé le dire ? Serait-il donc vrai qu’un jacobin ministre n’est pas toujours un ministre jacobin ?
Au reste, la situation générale est de nature à inspirer au gou-