Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/790

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vingt-cinq mille personnes, les prix furent décernés par l’Empereur, il n’y eut qu’une voix pour féliciter l’initiateur des récompenses « sociales. » Depuis lors, l’économie sociale a eu ses expositions périodiques, à Paris en 1889, à Chicago en 1891, à Paris en 1900, à Saint-Louis en 1904, à Liège en 1905, expositions qu’affectionnent les travailleurs manuels et où ils voient, sur des cartes murales et dans des dessins coloriés, la traduction des faits les plus saillans de la vie ouvrière. De tels concours ont provoqué à leur tour la fondation de musées permanens d’économie sociale[1], où nous retrouvons toujours l’idée que Le Play avait formulée, le premier, à l’Exposition de 1867. Sous le décor brillant du second Empire, Le Play discernait les symptômes des futurs désastres. Lorsque les défaites de 1870 et les convulsions de la Commune se produisirent, il les signala comme les prodromes de soulèvemens plus terribles. « La grève universelle s’organisera complètement, écrivait-il dès 1870, et je ne vois pas comment on pourra s’y soustraire. » Il faisait appel aux classes supérieures. « Si les classes dirigeantes de tout rang et de toute profession restent dans leur état actuel d’antagonisme, pendant que les classes vouées aux travaux manuels s’unissent pour détruire ce qui existe, nous aboutirons à une catastrophe telle que l’humanité n’en a point encore vu de semblable. La grève universelle se constitue, en effet, sur le mépris de toute autorité divine et humaine, sur l’anéantissement de toute forme de respect et sur des appétits insatiables. Rien ne résistera à ces désordres sans précédens, si un grand effort n’est fait pour réunir dans une commune pensée de bien public les gens de bien de tous les partis[2]. »

Parmi les réformes d’ordre politique que Le Play souhaitait pour la France, la décentralisation ou, si 1 on veut, la « déconcentration » des services publics tenait la première place. Il avait foi dans les libertés communales et provinciales, parce qu’elles stimulent l’activité civique et le dévouement au bien public. Il reprochait aux divers gouvernemens qui se succèdent en France, d’avoir rompu avec les meilleures traditions, en démembrant ses provinces « au mépris des droits réservés par

  1. Tel est, à Paris, le Musée social, fondé par M. le comte de Chambrun, en 1894, et installé rue Las Cases, 5.
  2. Le Play, d’après sa correspondance, par Charles de Ribbe. Paris, Firmin-Didot. 1884. p. 157.