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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/821

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sympathie, le plus vivant peut-être et, si je puis dire, le plus agissant de l’Espagne contemporaine. Les œuvres qui le composent forment un cycle qui n’est point achevé, mais dont déjà l’importance et l’intérêt se sont clairement manifestés. C’est le moment, semble-t-il, de l’étudier, s’il est possible, sans parti pris d’aucune espèce, avec la relative impartialité qu’on peut avoir pour un théâtre étranger, avec la sincère bienveillance qu’on doit à celles des œuvres contemporaines où le respect de l’art domine le souci de la mode.


I

Ce n’est qu’on 1892, après plus de vingt ans d’une carrière glorieuse dans le roman historique et moderne, que M. Pérez Galdós a été joué sur une scène espagnole. Quel tempérament y apportait-il ? Quelles idées voulait-il y faire triompher ? Quelle forme d’art cherchait-il à y réaliser ?

Les Espagnols qui ont l’honneur de connaître M. Galdós n’en parlent point sans quelque hésitation. Cet homme grand, aux moustaches tombantes, qui les écoute avec bonhomie sans éprouver le besoin de les interrompre, leur laisse de lui une impression inquiétante. Ils se demandent s’ils doivent louer sa gravité castillane ou s’étonner de son flegme britannique. On lui offrit un jour un banquet d’honneur. On attendait un discours ; M. Galdós se contenta d’écrire au crayon sur un papier : « Merci beaucoup. » L’ingénieux Léopold Alas, qui signait ses critiques du nom de Clarin, a écrit quelque part qu’en présence de M. Galdós on aurait pu se croire auprès d’un honorable commandant de gendarmerie, si on n’avait lu dans ses yeux et sur son front un je ne sais quoi qui ne caractérise pas d’ordinaire en Espagne cette arme spéciale. Cet esprit froid et réfléchi n’est sans doute pas celui que les spectateurs de la Porte-Saint-Martin auraient été tentés de supposer à l’auteur d’Electra. Mais il convient à merveille au romancier qui veut observer les mœurs de son temps, et il ne disconvient point au dramaturge qui se pique d’objectivité.

La première éducation de M. Galdós n’a pas peu contribué à le développer. Né le 10 mai 1855 à las Palmas, M. Galdós a vécu jusqu’à dix-huit ans dans ces Canaries où la moitié de la population est anglaise et où deux religions vivent côte à côte