Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/840

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il ne faut le rendre responsable ni des enthousiasmes, ni des colères que sa pièce a soulevés. Le procès Ubao et l’affaire de la Brésilienne de Porto suffirent à démontrer, au cours même de ses représentations, qu’Electra n’était pas aussi inutile que nous pourrions nous le figurer en France. L’attitude du parti ultra-montain en Espagne prouva surabondamment qu’Electra était une œuvre nécessaire. Maintenant, qu’il y eût, dans l’ardeur en quelque sorte furieuse avec laquelle on l’applaudissait, la plus claire manifestation d’un autre et non moins funeste péril ; que le seul souci de l’art et que la seule passion de la vérité n’animassent point les spectateurs qui réclamaient dans les entr’actes l’hymne de Hiego, la Marseillaise et le révolutionnaire Trágala, c’est ce dont je suis parfaitement convaincu ; mais c’est aussi une autre affaire.

Electra se rattache directement à Doña Perfecta. Mais, avant de reporter ainsi au théâtre une des formes espagnoles du fanatisme religieux, M. Galdós avait essayé d’y faire accepter son sentiment sur le fanatisme politique. La Bête féroce est une des rares tentatives dramatiques de l’auteur, non pas des Romans contemporains, mais des Épisodes nationaux. On y voit mise en scène une des phases de la lutte qu’en 1822 les « libéraux » soutinrent contre les « loyalistes, » qui voulaient rétablir l’autorité absolue du roi Ferdinand. Les premiers, guidés par San Valerio, un ancien prévôt d’armes, se sont introduits par ruse à Urgell où triomphent les seconds sous le commandement du sanguinaire don Juan. Leur complot est découvert et va être châtié lorsque l’arrivée des troupes victorieuses d’Espoz y Mina met en fuite leurs ennemis. À ces tableaux vaguement historiques se mêle, non sans quelque maladresse, une histoire d’amour. Parmi les conjurés libéraux se trouve un Berenguer de Claramunt dont le père a été tué par le loyaliste baron de Celis. Ce conjuré par vengeance sent sa colère tomber et son masque lui peser quand il cause avec la fille du meurtrier de son père, avec Susana qui, loin d’entrer dans les sentimens de sa famille, professe la plus vive horreur pour les cruautés des guerres civiles. Les deux jeunes gens trouvent l’occasion de se sauver quelque peu la vie, et de s’assurer de leur mutuel amour. Poursuivi à la fin par la haine de Valerio et la jalousie de don Juan, Berenguer se délivre de l’un et de l’autre en les tuant en duel, et comme, malgré la diversité de leurs partis, ils