Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/866

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sera l’éternel grand homme et l’éternel élu de sa province, ce sont là les nobles sentimens qui s’agitent au fond de l’a me de la plupart de nos modernes terroristes, qui leur dictent leurs votes, et qui bien souvent percent à travers la phraséologie de leurs discours. Je ne m’étonne pas qu’indépendamment du désir qu’ils ont toujours de conserver un bon « tremplin électoral » et du désir qu’ils ont eu de capter, sous une forme ou sous une autre, le « milliard » des congrégations, ils aient tenu à honneur de proscrire moines et moniales ; je ne m’étonne pas qu’ils s’érigent en ennemis personnels de l’Eglise, de ses dogmes, de sa morale : en effet, leur conception de la vie est tout autre que celle que suggère et qu’impose le catholicisme ; et ils n’ont que faire de la « morale révélée : » n’ont-ils pas « la morale indépendante, » — indépendante surtout de ce qu’ils appellent les préjugés vulgaires ? A bien des égards, l’anticléricalisme est comme une insurrection de toutes les parties fangeuses de la nature humaine contre tout ce qui est règle, abnégation, idéalisme, sacrifice et subordination volontaires de l’être individuel à quelque chose qui le dépasse.

L’anticléricalisme a toutefois des causes, — ou des prétextes, — d’un ordre un peu plus élevé. Il invoque habituellement des raisons politiques et sociales, dont quelques-unes ne laissent pas d’être assez spécieuses. Il reproche à l’Eglise, — s’il était équitable, il dirait : à certains catholiques, — d’être l’alliée naturelle de ce qu’il appelle « les partis de réaction ; » il l’accuse d’être l’ennemie née du régime que la France, voilà trente-cinq ans, s’est librement, donné, et des réformes « démocratiques » qu’il s’efforce d’accomplir ; il l’accuse d’avoir irrémédiablement lié sa cause à celle des monarchies tombées, à celle des intérêts « aristocratiques » ou « bourgeois » que les régimes déchus sont censés représenter. Encore une fois, une accusation de ce genre, dans su généralité et dans son absolutisme, est fausse, et elle est même calomnieuse. Elle est formellement démentie non seulement par les instructions, les déclarations et les Encycliques de Léon XIII, mais encore par l’histoire exacte, impartiale et complète du catholicisme français depuis 1870. Néanmoins, deux choses sont certaines, qui, par des esprits superficiels ou prévenus, peuvent être exploitées, et le sont tous les jours avec insistance, contre les catholiques français. Il est indéniable, d’une part, que, dans leur ensemble, les catholiques n’ont pas accueilli