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les débuts de la troisième République avec la faveur qu’ils ont témoignée à d’autres régimes, la Restauration et le second Empire, par exemple ; et que, trop longtemps, — comme s’ils avaient eu toujours à se louer des monarchies disparues, — ils ont cru inséparables la cause du « trône » et celle de « l’autel. » Et d’autre part, les directions de Léon XIII, si elles ont désarmé bien des hostilités, encouragé bien des initiatives, rassuré bien des consciences, n’ont pas été suivies avec l’unanimité qu’on aurait pu souhaiter. On a fourni ainsi à d’habiles ennemis tous les prétextes qu’ils cherchaient. Ils n’ont eu qu’à rappeler à leurs électeurs, en les exagérant d’ailleurs, toutes les imprudences, les maladresses ou les fautes que les catholiques ont pu commettre au cours des derniers siècles, quand ils étaient les plus forts ; et ils ont fait payer chèrement à ces éternels adversaires de « la société moderne » toutes leurs velléités, anciennes ou récentes, « d’émigration à l’intérieur. » Il faut bien avouer que, à cet égard, tout n’est pas faux dans les accusations dirigées par, les anticléricaux contre les catholiques de France.

Et tout n’est pas faux non plus dans les reproches d’ordre intellectuel ou moral que ses ennemis adressent au catholicisme. La grande objection, l’objection classique qu’on lui oppose, — combien n’a-t-elle pas défrayé d’articles, de livres et de discours ! — c’est qu’il est en contradiction irrémédiable, absolue avec la science, et, comme tel, il apparaît, dit-on, à tout esprit de bonne foi, comme une forme manifestement périmée de la pensée humaine. L’objection n’est pas très forte : elle ne saurait émouvoir quiconque a médité la célèbre théorie de Pascal sur les trois « ordres » de réalités et de connaissances, et quiconque, d’autre part, a suivi les discussions instituées en ces dernières années non seulement par des penseurs, mais par des savans contemporains, sur « la critique des sciences. » En fait, ce n’est pas la science, en tant que science, que l’on oppose ainsi à la religion ; c’est la science interprétée par une certaine philosophie ; c’est une certaine conception philosophique, non scientifique, de la science, conception que les savans qui pensent sont de nos jours unanimes à désavouer. Toutefois, cette objection, qui date des Encyclopédistes, comme M. Brunetière l’a très bien montré, a inquiété plus d’un bon, et même plus d’un grand esprit ; Renan et surtout Taine, on le sait, la jugeaient irréfutable ; et l’on conçoit qu’elle fasse encore impression sur des esprits peu au courant