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n’en reste pas moins que cette pièce est de beaucoup la meilleure qu’ait écrite M. Coolus. Il s’était plu jusqu’ici à une affectation de grossièreté des plus fâcheuses. Cette fois, il a dans un sujet terriblement scabreux observé une sorte de bienséance dont il faut le louer. Quand on a admis le point de départ, et accepté le terme d’arrivée, — ce qui n’est certes pas facile, — on s’intéresse à l’habile agencement des scènes, à une certaine subtilité de psychologie malsaine.

M. Huguenet est excellent dans le rôle de Bourneron. Amusant, à son ordinaire, par le naturel et la rondeur dans les deux premiers actes, il a su trouver au troisième acte des accens de douleur pénétrans. Nous oublions ce que la situation a de saugrenu, pour ne faire attention qu’au talent de l’acteur qui nous donne l’impression d’une souffrance véritable.

M. Dumény a joué avec beaucoup de tact le personnage du fils, Pierre, qui comportait une certaine raideur de censeur des mœurs et de champion du devoir.

Mlle Marthe Régnier a été charmante de rouerie ingénue et d’espièglerie mouillée de larmes dans le rôle difficile d’Êmilienne.


II semblait bien qu’avec Scarron, M. Catulle Mendès eût atteint à une espèce de perfection ; mais il s’est surpassé lui-même par son Glatigny. C’est une pièce dont il est à peu près impossible de sortir sans un fort mal de tête et une crainte de se sentir envahi par un commencement de folie. D’où viennent, comment s’arrangent, et se chassent et se remplacent les images incohérentes qui se sont succédé devant nos yeux, pareilles à celles qu’on voit dans les rêves ? Pourquoi ces choses et non pas d’autres ? Voici d’abord, le matin, sur une place de village, des comédiens qui, par les fenêtres d’une auberge, déménagent à la cloche de bois, cependant que le fils du gendarme, la tête sur la boîte aux lettres, soupire avec la dame de la poste le dialogue de Roméo et de Juliette ; après quoi, le jouvenceau conte fleurette à une petite cabotine et se sauve avec elle. Nous retrouvons ce même villageois chez M. de Girardin où il est en conversation avec une princesse ! Puis c’est un décor de brasserie où les paradoxes artistiques s’entre-choquent avec les bocks, et les théories nuageuses se mêlent aux nuages du tabac des pipes. Puis un décor de café-concert, avec des chansons et des danses. Et encore le village, la dame de la poste ; et pour finir, un cadavre dans, de la neige !

On essaie de trouver un sens à cette fantasmagorie. On tâche de démêler ce qui peut bien se passer à travers ces hallucinations. Quel