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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/959

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se mettre en rage et sans tout saccager autour de soi. Et on trouve cela naturel ! Et beaucoup de journaux en font des circonstances atténuantes pour les ouvriers ! Quand la manière de raisonner a aussi profondément changé, tout s’en ressent. Mais beaucoup de gens en sont effrayés et se demandent où nous allons. Et cela aussi est naturel.

Autrefois, on comptait sur le gouvernement pour maintenir l’ordre social : il semblait même que ce fût sa fonction principale. Aujourd’hui, on aurait tort de mettre en lui sa confiance. Il vient de se montrer d’une prodigieuse insuffisance, non pas pour parler, — il parle encore bien, — mais pour agir. Ou il n’agit pas, ou il agit de travers. Nous avons dit que M. Clemenceau avait tenu d’excellens propos aux grévistes de Lens, sauf pourtant en ce qui concerne l’armée. Il leur a vanté la propriété et la liberté individuelles, en leur jurant qu’il ne permettrait pas qu’on y portât la plus petite atteinte. Jamais on n’y en a porté davantage ! M. Barthou, lui aussi, a dit de bonnes choses à la Chambre, notamment qu’il serait absurde, et même quelque chose de plus, d’ouvrir une instruction judiciaire avant de connaître les résultats de l’enquête technique : le lendemain, une instruction judiciaire a été ouverte. On dit que le gouvernement n’est pas sans appréhension au sujet des élections prochaines. Nous le comprenons sans peine, car jamais la campagne électorale ne s’était ouverte sous de plus dangereux auspices. Partout ce n’est qu’anarchie, et cette anarchie, que nous dénonçons depuis longtemps, commence à produire ses conséquences fatales. Faudra-t-il arrêter encore beaucoup de commissaires de police ou incendier beaucoup de châteaux pour que le pays voie clair dans la politique qu’on lui fait ? Le gouvernement a pris rendez-vous avec lui pour le 6 mai : nous saurons donc dans trois semaines à quel point il en est satisfait.


La conférence d’Algésiras a enfin terminé sa laborieuse carrière. L’Acte général en a été signé par les plénipotentiaires des puissances, et il ne reste plus qu’à y faire apposer, une dernière signature, importante à la vérité, car c’est celle du gouvernement marocain lui-même. Les représentans du Sultan sont restés jusqu’à la fin fidèles à leur immuable méthode, qui consistait à en référer sur toutes choses au maghzen. On sait, d’ailleurs, que les gouvernemens musulmans ne sont jamais pressés. Nos diplomates européens ont trouvé la conférence très longue, et ils éprouvaient, pendant les derniers jours, une hâte extrême d’en atteindre le dénouement. Cette impatience n’était