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ont besoin, les merveilleux bienfaits de l’association. Cette loi de 1884 a suscité des énergies, des dévouemens, des talens qui sommeillaient, parce qu’ils ne trouvaient pas leur emploi ; par centaines, par milliers, les hommes de bien sont accourus, heureux de dépenser sans compter leur temps, souvent aussi leur argent, pour le succès d’une idée généreuse, d’une cause qui représente toutes sortes d’intérêts : intérêts matériels, intérêts moraux, intérêts nationaux. La politique, la spéculation, l’industrie, la littérature, la science, l’art, ont leurs colonels, leurs généraux, leurs maréchaux : l’agriculture a les siens, d’une célébrité moins retentissante, moins consacrés par les suffrages de la presse, du public parisien et des Académies, plus profondément connus et appréciés par ce monde agricole qui lui aussi confère à ses héros une réputation digne d’envie, qui embaume leur mémoire dans son fidèle souvenir. Cette grande église contient toutes les petites chapelles, et, derrière ce drapeau marchent des soldats qui, à côté de la terre, reconnaissent d’autres divinités : je pourrais citer des grands, des petits propriétaires, des fermiers, de simples ouvriers appartenant à toutes les opinions, que cette passion, bien conduite, guidée vers l’idéal de la mutualité, a exaltés jusqu’au sentiment le plus noble du devoir, en les révélant à eux-mêmes et aux autres. Ainsi, tout en luttant avec un courage intelligent pour conserver ou agrandir leur domaine, sont-ils devenus de précieux serviteurs de la chose publique. Que leur réputation n’ait point dépassé les limites d’un canton, ou qu’elle ait rayonné sur le pays tout entier et traversé nos frontières, elle s’élance des sources les plus pures, et concourt à la grandeur de la patrie, les vertus de l’individu, les vertus de l’association se multipliant en quelque sorte par les vertus de la terre. La vie rurale a déjà son livre d’or, et si nombreux, dès les premières pages, se pressent les noms des inscrits que pessimistes, incertains, optimistes y trouvent de puissans motifs de consolation et d’espérance, des argumens qui ébranlent leurs doutes ou fortifient leur confiance dans l’avenir de la France.


XI. — L’ACTION DES SYNDICATS AGRICOLES

Les organisateurs des syndicats ne sont pas des abstracteurs de quintessence sociale, ni des assembleurs de nuages : ils n’ignorent