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moins facilement les lois passagères des parlemens, les dates inflexibles.

Les semailles attendent, la récolte attend, le bétail attend, le propriétaire attend au besoin ; le chemin de fer, le fournisseur du syndicat n’attendent pas ; notre cultivateur a accepté leurs exigences, et c’est là une excellente préparation au crédit agricole.

Diminution de prix qui s’élève parfois jusqu’à 40 et 50 p. 100, augmentation parallèle de la consommation, économie pour le cultivateur, moralisation de la vente des engrais, extension des avantages de la grande propriété à la petite et à la moyenne culture, grands syndicats devenus les régulateurs du tarif des engrais, voilà les résultats de cette révolution économique. Ou évalue l’importance annuelle des achats coopératifs à deux cents millions de francs : vingt-cinq syndicats font, en bloc, un chiffre d’affaires d’environ 23 millions de francs. On ne déclare la guerre à personne : quand un consommateur s’aperçoit qu’il paie trop cher le vin à la bouteille, et quand il l’achète moins cher et meilleur à la pièce, le détaillant n’a nullement le droit de se plaindre. Le commerce honnête trouve sa meilleure clientèle parmi les syndicats agricoles : ainsi les syndicats agricoles de la Côte-d’Or commandent douze millions de kilogrammes d’engrais à deux usines locales qui ne vendent que trois millions de kilos aux acheteurs non syndiqués. Et quant aux intermédiaires parasites ou véreux, on nous permettra de ne pas nous apitoyer sur leur sort ; un de mes amis, à propos d’eux, me rappelait la réponse de d’Argenson au protecteur d’un pauvre diable, alléguant : « Il faut bien que tout le monde vive ! — Je n’en vois pas la nécessité ! » D’ailleurs rien ne les empêche de vivre, ces parasites ; les fermes, les terres en friche abondent, qui donneront du pain, du bétail, des pommes de terre aux laborieux ; qu’ils les occupent d’abord, et, quand il n’y en aura plus, il y en aura encore, puisque nous possédons des colonies sans colons, avec des millions d’hectares qui attendent la collaboration de l’homme. Ce n’est pas la terre qui manque à l’homme, c’est l’homme qui manque à la terre. Mais aux paresseux le pain tout gagné semble meilleur que l’autre. Ils ont poussé des cris d’orfraie, et tout d’abord entraîné avec eux les producteurs et négocians sérieux qui craignaient qu’on ne voulût pousser à l’extrême les rabais : ceux-ci luttèrent avec habileté, réclamant qu’on assujettît les syndicats à la patente, organisant les