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qui tantôt, possèdent une autonomie propre, deviennent sociétés coopératives de production et de vente, mais, le plus souvent, demeurent sous le contrôle du syndicat, et, renseignant ses membres, s’entremettant entre ceux-ci et les consommateurs, centralisant les offres, facilitent la vente des produits. Un agent ou courtier responsable, accrédité par le bureau du syndicat, gère ces offices de vente. Parmi les plus florissans au début, il convient de nommer celui de Fleurie (Rhône) organisé par l’Union Beaujolaise, qui compte 6 000 viticulteurs : les ordres des cliens, transmis à l’office, sont exécutés à la propriété même, où l’on soutire le vin sous le contrôle du syndicat qui garantit l’origine en apposant sa marque sur le fût ; il publie des prix courans et organise des expositions collectives ; et l’on ne peut que désirer de voir ces rapprochemens entrer dans les habitudes du consommateur, car celui-ci continue de payer son vin beaucoup trop cher au commerce[1]. Que de fois n’ai-je pas entendu ce dialogue avec de très honnêtes négocians de la Bourgogne ou du Bordelais qui se plaignaient eux aussi de la dureté des temps ! « Mais combien payez-vous la barrique (228 litres) au propriétaire ? — Quatre-vingts, quatre-vingt-dix, cent francs. — Et combien la revendez-vous au consommateur ? — Cent quarante à cent quatre-vingts francs ; nous soignons le vin deux et trois ans, et nous avons de grands frais. » Rien de plus vrai, mais le syndicat agricole pourrait vendre le même vin, soigné pareillement, fait aussi avec du raisin et du soleil, vingt-cinq ou trente francs de moins ; et il importe que le consommateur sache cela, il importe qu’on le proclame, qu’on

  1. Malheureusement le Syndicat agricole et viticole du Haut-Beaujolais a cru devoir renoncer à la vente directe des vins de la région ; et c’est le gérant de l’office qui a pris l’affaire à son compte. De même M. Georges Bord, président du Syndicat agricole de Cadillac et Podensac, a lutté dis ans avec une rare ténacité ; l’Association vinicole du Haut-Bordelais a fini, elle aussi, par se dissoudre. M. Bord, qui m’a fait passer des notes intéressantes à ce sujet, accuse la routine, l’indifférence des consommateurs ; et il n’a pas tort ; mais les consommateurs ont besoin d’être séduits par la bonté et le bon marché des produits, et je crois fermement que les propriétaires syndiqués ont vendu trop cher, que, du moins, la différence avec les prix des négocians n’était pas assez appréciable. D’ailleurs les difficultés de la vente collective se décuplent, par la nature même des choses, quand il s’agit de denrées de production générale, comme les vins, les céréales ; et jusqu’ici le succès a porté sur des spécialités, dont la production est localisée dans quelques centres, et le marché assez limité.