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monopole du triage et de la revente sur les places étrangères, les commissionnaires exportateurs des Halles bénéficiaient sans scrupule de la différence des cours. Après de longues négociations conduites avec une persévérance habile par M. Georges Maurin, la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée et la Compagnie du Nord accordèrent un service de transport rapide, permettant l’exploitation directe ; à Londres, une maison de commerce. Draper and Son, consentit à représenter le syndicat, et accrédita un représentant spécial à Carpentras. En 1898, les expéditions de fraises sur Londres atteignaient le chiffre de 350 000 kilos ; un nouveau centre commercial, qui s’étendit aux autres primeurs de la région, fut ainsi créé, le danger de la surproduction évité, un bénéfice très appréciable réalisé : le syndicat agricole du Comtat, devenu membre correspondant de la Chambre de commerce française à Londres, contrôle les mouvemens du marché anglais.

Un très grand succès obtenu, dans cet ordre de phénomènes économiques, est celui des syndicats de Roquevaire, Lascours, Cuges et Solliès-Toucas, qui ont organisé le plus complètement et le plus heureusement la préparation en conserves et la vente collective des câpres, puis des abricots, que leurs adhérens vendaient autrefois à des négocians spéciaux : le plus complètement, parce que le bénéfice résulte du partage global des revenus de l’association ; le plus heureusement, parce qu’ils ont réagi contre la baisse qui ne cessait de s’accentuer, et parce que la transformation industrielle faite en commun accroît la valeur marchande des produits livrés[1]. Les bénéfices sont répartis entre les syndiqués au prorata de leurs livraisons et en tenant compte de la qualité, car les câpres sont classées en six qualités, non-pareilles, surfines, capucines, capotes, fines et mi-fines : et ceci constitue une prime à la bonne exploitation des caprières et à l’habileté de la cueillette. Le syndicat a su se créer une importante clientèle d’acheteurs directs en Allemagne, Suède, Norvège, Belgique, Hollande, Russie, Angleterre et Amérique. En 1895, le syndicat de Roquevaire a vendu aux épiciers en gros, pâtissiers, confiseurs, quatre cent mille kilogrammes de pulpe d’abricot ; il accorde à ses courtiers spéciaux une commission de 3 pour 100 ; les frais de fabrication s’élèvent en moyenne à 14 francs les cent kilos, le produit se vend 24 à 26 francs, et l’on estime de 30 à 40 pour 100 le bénéfice qui

  1. Voyez le livre de M. de Rocquigny, déjà cité p. 202 et suivantes.