Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résulte de ce système[1]. Voilà un argument précieux en faveur des sociétés coopératives de production, et de la vente collective : un argument qui, dans une certaine mesure, explique cet aphorisme de P.-J. Proudhon : « Le XXe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans : le vrai problème n’est pas en réalité le problème politique, c’est le problème économique. »


XII. — L’ŒUVRE SOCIALE ET MORALE DES SYNDICATS AGRICOLES

Les circulaires ministérielles ressemblent à certains traités diplomatiques : il faut souvent lire ce qui n’est pas écrit pour les comprendre, et leur appliquer une foule de sous-entendus. Le gouvernement prescrivait, en 1884, à ses préfets, de témoigner les plus grands égards aux syndicats, de leur servir de conseillers, de collaborateurs dévoués : mais, lorsque certains ministres virent quel parti l’agriculture tirait de cette loi, ils parurent éprouver un sentiment assez voisin de la mauvaise humeur, et cette mauvaise humeur se traduisit par une conduite qui permettait de se demander s’ils n’avaient pas deux poids et deux mesures. La formation de certains syndicats agricoles rencontra des entraves regrettables : contre toute évidence, des journaux plus ou moins officieux, un ministre de l’Intérieur, les accusèrent d’être des comités politiques déguisés. Faut-il voir un prolongement de cet état d’esprit dans certaine loi qui soumet à la patente les syndicats, dans une tendance fâcheuse à favoriser les sociétés qui votent bien ? Il est vrai que M. Louis Barthou, rapporteur d’un projet qui modifie la loi du 21 mars 1884, demande, au nom de la Commission du travail, la capacité la plus large pour les syndicats professionnels, le droit d’acquérir, à titre gratuit et à titre onéreux, des meubles et des immeubles : même il veut qu’on admette les personnes exerçant une profession libérale, les ouvriers qui ont cessé de pratiquer le métier auquel se rattache le syndicat, les employés de l’Etat, des départemens et des communes, lorsqu’ils ne détiennent aucune portion de la puissance publique. Et, bien que plusieurs modifications préconisées dans le remarquable rapport de M. Barthou semblent fort contestables, on peut espérer que l’agriculture n’en souffrira

  1. Un de ces syndicats capriers, encouragé par une réussite si heureuse, vient de se constituer en société commerciale.