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chez lui, de toujours viser aux grandes choses. Il est allé naturellement aux grands sujets, aux grands hommes et aux grandes œuvres : Michel-Ange, Gœthe, Homère. Les dii minores de la pensée ou de l’art ne l’intéressaient pas. Il était le biographe des héros. Dans un passage de son Michel-Ange, où il parle des grands hommes, « ces points de repère de l’histoire, » il ajoute : « L’humanité a toujours su ce qu’elle entendait par grand, et point n’est besoin de définition. La valeur et l’influence d’un homme dépendent de la capacité où il est d’être appelé grand, ou de se joindre à ceux qui sont grands. » Hermann Grimm s’est joint à ceux qui furent grands, et il a témoigné par là, par son œuvre, qu’il était un grand critique. Plus exactement peut-être : un grand seigneur, véritablement un prince de la critique. Chose curieuse ! très différent au moins de la plupart de ses confrères, qui gardent en général des allures de rat de bibliothèque, Bücherwurm, disent les Allemands, Hermann Grimm, avec son érudition complète et son infatigable curiosité, au milieu de tous ces savantissimes, garda l’attitude d’un paladin de lettres ; quelque chose comme un Paul de Saint-Victor, — savant, ou un Prévost-Paradol, — historien. Mais il n’eut rien, néanmoins, du « laisser aller » d’un amateur. Ce fut un grand travailleur jusqu’au dernier jour ; lent à trouver la forme définitive de sa pensée, difficile à se contenter, sévère à lui-même. « Les correcteurs me connaissent ! » écrivait-il, quelques jours avant sa mort, à son ami de quarante ans, le Dr Julius Rodenberg, en lui envoyant son dernier article. De cette vie de travail et de pensée, à côté d’un roman (Puissances insurmontables) qui contient les pages d’un poète qui ne mourut jamais en lui, et de plusieurs volumes d’Essais de littérature et d’art, Hermann Grimm laisse un commentaire partiel d’Homère, une vie de Raphaël, et surtout deux œuvres maîtresses : son Michel-Ange et son Gœthe[1].


I

H. Grimm naquit en 1828. Il était le fils du philologue W. Karl

  1. Essais (Hanovre 1859) ; Nouveaux essais (Berlin, 1865) ; Dix essais pour l’introduction à l’histoire de l’art moderne (2e édition… Berlin, 1883) ; Quinze essais (3e édit., Berlin, 1884) ; Michel-Ange (7e édit., Berlin, 1894) ; Gœthe (3e  édit., Berlin 1882) ; Homère (Iliade, I-IX, Berlin, 1890) ; Raphaël (4e édition 1903).