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LES FINANCES DE LA REINE MARIE DE MÉDICIS

Les souverains, en France, au début du XVIIe siècle, ne disposent pas à leur gré de l’ensemble des revenus de l’État. Chaque recette est affectée à des dépenses précises : il y a des règles de comptabilité suivies. Si le roi s’avise de détourner à son usage personnel partie des fonds qui ne doivent pas normalement être mis à sa disposition, il se heurte à la coalition des forces passives : comptables n’obéissant pas, cours souveraines refusant d’enregistrer, chambres des comptes multipliant les remontrances et rayant des bordereaux les sommes détournées de façon à ce que les agents du trésor en demeurent personnellement responsables. Il ne reste au roi qu’à imaginer de nouveaux revenus, moyen plus légal, sinon plus aisé. Ce que le roi ne peut pas faire, pratiquement la reine, qui ne dispose d’aucune autorité effective, le peut encore moins. Elle n’a pas d’ordres à donner aux trésoriers de l’État. Désirant obtenir une faveur du surintendant des finances, elle doit solliciter celui-ci presque comme une particulière. La souveraine dispose sur le budget annuel de l’État, — ce que l’on appelle en ce temps « l’État général par estimation des dépenses, — d’une somme fixe destinée à payer les frais de sa maison, son entretien, ses plaisirs. Au delà de cette somme, elle n’a droit à rien. Ses crédits se trouvant dépassés, force lui est de réclamer du roi un don gracieux afin de combler le vide. Le roi prendra cet argent sur le fonds de sa caisse destinée aux libéralités et qu’on appelle a acquits au comptant ; » ou bien il inventera une recette exceptionnelle ; ou bien il laissera le déficit au compte de la princesse, et alors celle-ci se trouve débitrice à l’égard de ses propres trésoriers de sommes s’accumulant d’année en année. Fastueuse dans ses goûts et dépensière, Marie de Médicis, la femme d’Henri IV, comme toutes les personnes dont les ressources ne sont pas aussi illimitées que leurs fantaisies, a connu les pires misères des