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livres, provenant da douaire de la reine, et transmises comme il avait été dit par M. Feydeau ; le 14 mars, 140 000 livres.

Toutes les indications concernant ces mouvemens de fonds furent retrouvées peu après dans les papiers de la maréchale d’Ancre, au moment de l’arrestation de celle-6i et de la saisie de ses affaires, les reçus enveloppés dans une chemise avec la mention : Promesse di dinari della Maiesta della regina. Les cinq grosses fermes eurent à compter 400 000 livres, lesquelles furent données dans des conditions assez louches, en fait extorquées. On notifia aux fermiers qui se trouvaient à Lyon, MM. Pierre Héroard, Jacques Fagniez, Daniel Giovannini et Claude Buel, que le roi avait un besoin pressant et immédiat d’argent ; que s’ils ne consentaient pas à livrer ce qu’on leur demandait, ils s’exposeraient à des difficultés, des procès, des embarras de toutes sortes aboutissant au retrait de leur concession. Les malheureux furent obligés d’obéir, lis allaient, au procès de Léonora Galigai, faire entendre leurs réclamations indignées, les victimes de Marie de Médicis ayant pris le parti, de bonne foi ou non, sans doute dans l’espoir de retrouver leur argent, d’imputer à la maréchale les malversations de la souveraine. A quel chiffre total s’élevèrent toutes ces sommes expédiées en lieu sûr ? La reine avoua à Santucci que rien qu’à Rome elle avait envoyé 1 200 000 livres ! On ignore ce qui fut expédié en Allemagne, aux Pays-Bas, en Hollande. Le brusque événement du 24 avril 1617 qui amena le meurtre de Concini, l’incarcération de sa femme et l’arrestation, pour ainsi dire, de Marie de Médicis, enfermée dans son appartement du Louvre, d’abord, dans le château de Blois, ensuite, allait rendre vaines et illusoires ces précautions. Singulier épilogue de l’existence royale d’une régente dépensière, toute adonnée aux prodigalités inconsidérées et aux gaspillages insoucians, que cette velléité dernière de prévoyance bourgeoise, d’économies et de placements !


LOUIS BATTIFFOL