dans sa langue, et par un écrivain qui manie supérieurement cette langue, — il faut qu’au moins quelques années se passent, avant que ce peuple rende à ce livre une entière justice. On n’avale pas comme de l’eau des vérités amères, et il faut du temps pour que, l’amertume s’en adoucissant, il n’en demeure plus que le sentiment de la vérité... C’est certainement une des causes qui ont empêché le Pape, à son apparition, d’être jugé selon son mérite, et de se placer d’abord au rang où il s’est depuis lors élevé. C’est Sainte-Beuve qui a été, en 1839, le grand ouvrier de cette réhabilitation.
Et on pourrait dire enfin qu’en 1820, le moment était assez mal choisi d’attaquer le « Gallicanisme, » si même, en l’attaquant d’une certaine manière, et précisément à la manière de Joseph de Maistre, on ne risquait de le réveiller et de lui rendre une consistance qu’il n’avait plus. On m’a naguère demandé, quand j’ai dû parler de Bossuet à Rome et que j’avais choisi pour thème de mon discours « La Modernité de Bossuet, » comment je parlerais du « gallicanisme, » de la déclaration de 1682, et du Sermon pour l’ouverture de l’Assemblée du clergé. A quoi je répondis que je n’en parlerais pas du tout, puisque je ne devais parler que de ce que je trouvais dans l’œuvre de Bossuet de « moderne » ou même d’ « actuel, » en 1900, et que précisément le gallicanisme était ce que j’y voyais de plus archaïque et suranné. C’est ce qu’on eût déjà pu dire en 1820. Aussi bien le voit-on clairement dans un ouvrage que cite M. Latreille et qui s’intitulait : Réclamation pour l’Eglise de France et pour la vérité, contre l’ouvrage de M. de Maistre, intitulé du Pape, et sa suite ; » par l’abbé Baston, docteur de Sorbonne, ancien chanoine, grand vicaire et professeur de théologie. Je n’en parle, il est vrai, que d’après la brève analyse et les quelques citations qu’en donne M. Latreille. Mais il semble bien qu’en ’attachant à réfuter de point en point l’ouvrage de Joseph de Maistre, l’abbé Baston soit tombé dans une sorte de piège que d’ailleurs l’auteur ne lui avait nullement tendu. « Rien n’échappe à sa critique, nous dit M. Latreille, ni les raisonnemens faux, ni les comparaisons défectueuses, ni les citations infidèles, ni les prétentions exorbitantes, ni les nouveautés dangereuses. Avec une chaleur communicative, il rappelle de Maistre au respect pour les conciles ; il venge l’Eglise de France de l’accusation de schisme portée contre elle ; il s’enthousiasme pour le passé glorieux des maximes gallicanes qui, durant six ou sept siècles, furent l’opinion de toute la catholicité, et qui, obscurcies par les ténèbres du moyen âge, se retirèrent en France, où, sans devenir des articles de foi, elles s’établirent comme opinion nationale. » Mais tout ce déploiement d’érudition historique ou théologique n’est qu’une manière