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VII

L’exécution du projet fut à la hauteur de la conception. Le 29 octobre, le Réveil disait : « Un journal annonce que le 2 novembre, jour des Morts, les cimetières de Paris seront fermés au public. Ce journal est évidemment mal informé. On ne peut empêcher un peuple de s’honorer lui-même en honorant la mémoire de ceux qui, comme Godefroy Cavaignac, ont usé leur vie aux luttes de la liberté, de ceux qui, comme Baudin, sont tombés martyrs en défendant la loi. » Le 2 novembre en effet, l’état-major démagogique se rend au cimetière Montmartre pour honorer la mémoire de Baudin. Tel était le culte permanent qu’ils rendaient dans leur cœur à ce héros, qu’ils ne savaient pas même où était sa tombe. Sur les indications du gardien, ils finirent par la découvrir ; ils s’y réunissent au nombre de deux ou trois cents ; Quentin, l’homme du Réveil, prononce un premier discours ; celui-là prudent, est cependant accueilli par des cris de : « Vive la liberté ! vive Baudin ! vive la République ! » Un autre orateur, dont on a ignoré ou caché le nom, prend moins de précautions : « Citoyens, des gens qui m’entourent demandent ce que nous venons faire ici et quel est le mort que nous honorons ? Je vais le leur dire. Nous venons ici honorer la mémoire de Baudin, mort assassiné le 3 décembre 1851, par un pouvoir qui est encore debout. Si la vengeance à laquelle il a droit n’est pas encore satisfaite, je la promets éclatante, et je jure qu’elle sera prochaine. Si quelque mouchard voulait savoir mon nom, le voici : je me nomme Peuple et Jeunesse. S’il veut en savoir plus long qu’il s’avance : j’ai dans ma poche une carte de visite que je suis prêt à lui mettre sous le nez... » Les applaudissemens redoublent. Survient alors un cordonnier. Gaillard fils, appuyé sur son père, tous deux fougueux blanquistes, qui lit une pièce de vers, où se trouve ceci :


Mais le règne insolent d’un pouvoir tyrannique
Jusqu’à la fin des temps, non, ne saurait durer !
Pleurons sur qui mourut pour notre République.
Pour qui sut bien mourir, ah ! sachons bien pleurer...


Les applaudissemens provoqués par cette « poésie » s’étant calmés. Gaillard fils s’écria : « Cela ne suffit pas ! il faudra revenir