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de terreur, et par là rendre inévitable une nouvelle révolution. Je lutterai jusqu’au bout pour l’empêcher. Je vois l’écueil, comment voulez-vous qu’étant pilote j’y jette le navire ? Après le naufrage, j’aurai beau dire à ceux qui survivraient : Je vous ai écoutés et voilà pourquoi nous avons sombré. Ils me répondraient : Votre devoir était de nous résister. Je résiste. Conservez-moi votre amitié. » L’effet de mon refus fut immédiat et tel qu’on l’avait annoncé. Les comités de toutes les nuances décrétèrent mon exclusion ; il fut même convenu que mon échec serait le but principal à poursuivre dans les élections prochaines de Paris.


XV

La lutte commença dès le 3 mars, lors de la publication de mon livre Le 19 janvier, compte rendu à mes électeurs. Thiers m’avait déconseillé de le publier : « Tenez-vous-en, m’avait-il dit, à quelques explications très courtes ; il ne faut pas que vous vous rendiez impossible. » Me rendre impossible était le moindre de mes soucis. Je n’étais préoccupé que de démontrer la droiture de ma conduite et de sortir du rôle sot d’un soupirant au ministère, dupé. J’exposai donc les faits sans aucune réticence, sauf en ce qui concerne les entretiens confidentiels avec l’Empereur. De ce récit, dont personne ne contesta la vérité, il résulta pour tout homme libre de son jugement que ma conduite n’avait été inspirée ni par la captation, ni par une convoitise ambitieuse, et qu’elle était née d’une longue réflexion désintéressée. Désormais, on pouvait encore ne pas l’approuver, mais nul ne pouvait plus, honnêtement, l’ignorer et à plus forte raison la dénaturer.

Dès que mes épreuves furent en état, je les envoyai à l’Empereur. Une de ses amies. Mme Cornu, entrant dans son cabinet : « Connaissez-vous le livre d’Ollivier ? lui demanda-t-il. — Non. — Je le termine. Eh bien ! fit-il en étendant les mains sur les feuillets épars sur son bureau, tout ce qu’il raconte est vrai. » Rouher montra moins de quiétude : il fut à la fois irrité par mes révélations qu’il ne pouvait contester et exaspéré par mes attaques qui lui prouvaient combien j’étais décidé à mener jusqu’au