dépêche, il lui faut avouer « que les aristocrates et les amis de l’Angleterre, qui sont très nombreux, n’ont pas manqué de condamner sa conduite. » Peut-être alors, mais il n’en eut garde, aurait-il dû se souvenir, pour s’en inspirer, des judicieux avis qu’il avait, peu de jours avant son départ, reçus de l’un des directeurs des Affaires étrangères, Lebrun, qui lui mandait le 24 février 1793 : « Plus vous vous efforcerez d’influer indirectement sur les sentimens du public, plus vos démarches auprès du Président du Sénat doivent être secrètes pour ne pas alarmer nos ennemis et ne pas leur donner le temps de cabaler contre nous. Votre mission exige la plus grande activité, mais, pour être efficace, elle doit être cachée. Le caractère froid des Américains ne s’échauffe que par degrés, et les voies indirectes nous seront pour le moins aussi utiles que les démarches officielles. » Sans tenir aucun compte de ces sages conseils. Genet agité, plein de lui-même, se fiant à de bruyantes et trompeuses apparences, n’est pas en Amérique depuis six semaines qu’inconscient du danger d’une telle attitude, il s’est mis en violent antagonisme avec Washington. Il le combat, il l’accuse et bientôt n’hésitera pas à le calomnier. « L’Amérique tout entière, dit-il, s’est levée pour reconnaître en moi le ministre de la République française ; la voix du peuple continue à neutraliser la déclaration de neutralité du président Washington... Je reçois des adresses de toutes les parties du continent ; je vois avec plaisir que ma manière de traiter plaît à nos frères des États-Unis et je suis fondé à croire, citoyen ministre, que ma mission sera heureuse sous tous les rapports. »
Quelques jours, cependant, ne s’étaient pas écoulés qu’il est impossible à Genet, « malgré l’éclatante popularité dont il est entouré, d’de se dissimuler les obstacles qu’il rencontre de toutes parts. Son outrecuidance ne fait que s’en accroître ; il affecte de voir d’incomparables succès dans les preuves mêmes des fautes qu’il a commises et que, chaque jour, il ne cesse d’aggraver. N’ayant rien de ces diplomates à qui la parole semblait un don fait à l’homme pour dissimuler sa pensée, ou tout au moins ses fautes, il multiplie les renseignemens sur sa manière d’agir et sur l’irritation qu’elle cause à Washington : « L’aristocratie, écrit-il le 19 juin 1793, avait jeté ici des racines profondes et il est probable que je n’aurais pas été reconnu immédiatement, si je fusse arrivé directement à Philadelphie. L’on avait tout arrangé pour amortir le premier mouvement de l’enthousiasme des Américains ; la neutralité