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des Américains, tout était préparé pour cela ; notre Révolution du 10 août a fait avorter ces projets liberticides, et c’est là la source de l’accueil fait à nos ci-devant constitutionnels, des dégoûts dont on abreuve les républicains. Le peuple, qui devine tout sans s’en douter, avait pressenti cette conspiration, et c’est à cette cause que nous devons l’étonnante popularité dont nous jouissons ici. »

La crise, ainsi provoquée par l’imprudent ministre, n’avait pas encore atteint son paroxysme qu’à Paris on s’était ému de l’exposé de son programme d’action et du mépris avec lequel il traitait « le vieux Washington, » presque aussi populaire en France que de l’autre côté de l’Océan, où il était déjà presque classique de le qualifier : « le premier dans la guerre, le premier dans la paix, le premier dans le cœur de ses concitoyens. »

Dans une réponse qui suffirait à montrer jusqu’à quel point, même au plus fort de la crise révolutionnaire, de sages traditions s’étaient maintenues dans la direction de notre diplomatie, le gouvernement français rappela Genet au sentiment d’une situation par lui si complètement méconnue : « Nos amis ont publié, disait cette réponse en date du 31 juillet 1793, que vous n’aviez agi que d’après les ordres positifs du Conseil exécutif de France. Jamais le Conseil n’a pu vous autoriser à exercer chez une nation amie et alliée des pouvoirs proconsulaires, à y agir sans l’aveu positif du gouvernement et avant d’être reconnu par ses chefs. Vos instructions sont directement contraires à cette étrange interprétation ; il vous est prescrit de traiter avec le gouvernement et non avec une portion du peuple, d’être auprès du Congrès l’organe de la République française et non le chef d’un parti américain, de vous conformer scrupuleusement aux formes établies pour la communication entre les ministres étrangers et le gouvernement. Quel serait en France le succès d’un agent étranger qui, au lieu de négocier avec les représentans du peuple et le Conseil exécutif, s’aviserait de s’entourer d’un parti ; de recevoir et de distribuer des adresses ; de faire armer dans nos ports des corsaires contre des nations amies, enfin de s’occuper, comme vous l’annoncez dans votre dernière dépêche, de la convocation d’une Assemblée nationale ? Je vous laisse à juger de la confiance qu’un pareil agent inspirerait au gouvernement, et vous en ferez facilement l’application. Nous ne devons, nous ne pouvons connaître en Amérique d’autre autorité légale que celle du