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la formation. » C’était là une constatation dont il eût fallu que les représentans successifs de la France à Philadelphie tinssent, pendant toute cette période, un plus large compte, mais combien souvent encore en devaient-ils méconnaître l’instructive vérité !


III

La mission confiée à Fauchet et à ses collègues, qui avait duré un peu plus d’un an, prit fin après le 9 thermidor ; la fraction modérée de la Convention, qui arriva alors aux affaires, s’empressa de révoquer leurs pouvoirs et de les remplacer par un seul plénipotentiaire, auquel le nouveau Comité de salut public, qui comptait notamment parmi ses membres Eschasseriaux, Treilhard, Fourcroy, Merlin (de Douai), remit de très sages instructions[1]. En appelant son attention sur les principales clauses des traités conclus et à conclure, on recommandait au nouveau ministre de s’appliquer à gagner la confiance du Président et du Congrès, « de mettre dans ses communications officielles le calme et le sang-froid qui caractérisent toutes les démarches du gouvernement américain, » et aussi « de ne s’en permettre aucune qui pût donner ombrage aux citoyens des États-Unis à l’égard de leur gouvernement. » Tout en ayant soin de se lier avec le parti favorable à la France, le nouveau ministre ne devait, cependant, pas repousser les avances qui pourraient lui être faites par l’autre parti. Il devait user de ces bons rapports pour négocier un emprunt de trente millions en insistant auprès de tous sur l’intérêt qui devait déterminer les États-Unis à aider la France, « puisqu’il n’y avait pas de doute qu’il existât contre eux une alliance offensive et défensive entre l’Angleterre et l’Espagne, » ces deux puissances s’appuyant réciproquement dans leurs prétentions, l’une en gardant les ports de l’Ouest, l’autre en fermant le Mississipi et en excitant contre l’Union américaine les Indiens de ces contrées. A une heure où il n’était que trop notoire que la République française était sous le coup des plus graves embarras financiers, on ne facilitait guère, ce semble,

  1. Le plénipotentiaire tout d’abord désigné avait été Oudart ; mais celui-ci n’avant pas accepté, ce fut Pierre-Auguste Adet, ministre de France à Génère, qui le remplaça et reçut ces instructions. Adet arriva à Philadelphie le 13 juin 1795.