chères mains... La rebelle s’est rebellée contre la société injuste et non pas contre la nature ; elle ne s’est pas rebellée contre la loi éternelle de l’amour. » Cette loi, nous la connaissons. C’est celle qui, dans la forêt primitive, assure la domination du mâle sur la femelle. Le travail des siècles avait essayé d’en combattre la barbarie par tout ce qu’il y a de pur dans la poésie, d’idéal dans l’art, de sacré dans la famille et de divin dans la religion. Il avait ainsi constitué à la femme une royauté dont on pensait qu’elle dût être la plus jalouse gardienne. Qui eût cru qu’elle eût un jour aspiré à s’en dépouiller elle-même ?
Ces dames nous répètent avec complaisance que leurs romans marquent, sinon un progrès, du moins une étape de la morale, une phase de son évolution. Quelqu’un à qui on demandait naguère ce qu’il pensait de la morale de Dumas fils, répondit : « J’aime mieux l’autre. » Cette autre morale est celle qui ne change pas, précisément parce qu’elle est la morale ; ce qui va sans cesse se renouvelant et se diversifiant suivant tous les accidens de la décomposition sociale, ce sont les manières d’y manquer. Les romans féminins ont créé une forme nouvelle de l’immoralité. On n’est trahi que par les siens. Il y a des choses qu’un homme n’ose guère écrire et qu’en effet aucun romancier n’avait encore écrites. Je sais bien que nous avons à notre actif tout un lot de romans licencieux ; mais oublions cette catégorie de productions qui sont la honte de la littérature : chaque fois qu’un romancier met dans son livre un type de femme, si même il la représente comme coupable, perverse ou malade, son irritation ou sa pitié témoigne de l’idée qu’il se fait de la femme ; chaque fois qu’il parle de l’amour, et si même il en décrit les profanations, il donne à entendre que l’amour véritable habite d’autres régions, et qu’il commence aux limites mêmes où cessent de régner exclusivement les sens. Les femmes sont plus hardies. C’est pourquoi, sans méconnaître ce que leur doit le roman, nous nous réjouissons qu’il ne soit pas remis uniquement entre leurs mains. Les hommes n’y apporteront pas plus de charme et d’agrément que les plus distinguées d’entre elles n’en ont mis dans leurs récits ; mais ils empêcheront qu’on ne voie disparaître de la littérature un élément qui, à notre gré, doit y être maintenu : le respect de la femme.
RENE DOUMIC.