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aussi de beaucoup d’autres choses non moins respectables, de la liberté de conscience par exemple. On n’aurait pas imaginé à quel point elle leur était chère ! Ceux qui ont cru, d’après les apparences, qu’ils étaient capables d’y porter quelques atteintes se sont bien trompés. On chercherait vainement dans leurs professions de foi la trace des persécutions religieuses auxquelles nous avons assisté. C’est à croire que nous avons fait un mauvais rêve, mais un rêve. Les radicaux-socialistes ont voté sans doute la séparation de l’Eglise et de l’Etat ; mais ils l’ont fait pour donner à la première, tout comme au second, plus de liberté et de dignité. La loi de séparation sera appliquée dans cet esprit ; elle inaugure une ère de tolérance. Le suffrage universel a cru, évidemment, à des promesses qui paraissaient sincères : contentons-nous de les enregistrer. Si les radicaux-socialistes les ont faites, c’est qu’ils s’y sont crus obligés par les sentimens du pays : nous n’avons pas d’autre raison de croire qu’ils les tiendront, mais celle-ci a sa valeur et la conservera aussi longtemps que les sentimens du pays ne changeront pas. Il faut donc s’arranger pour qu’ils se maintiennent, et se garder de rien faire qui pourrait les altérer. C’est un point sur lequel nous aurons à revenir.

La question qui se posera demain est de savoir si les radicaux-socialistes, qui ont failli se perdre avec les socialistes, retomberont sous leur sujétion ou en resteront indépendans. Il serait téméraire de vouloir préjuger l’événement. Ce qui est sûr, c’est que les radicaux-socialistes n’auraient plus aujourd’hui la médiocre et mensongère excuse d’autrefois pour conclure avec les socialistes une alliance à tant d’égards compromettante pour eux. Quelle que soit leur pusillanimité, vraie ou affectée, ils ne peuvent plus croire et ils ne feront croire à personne que la République soit en péril. La République est tellement forte qu’en dépit de toutes les fautes que l’on commet en son nom, elle triomphe toujours ; elle va de succès électoraux en succès électoraux ; à chaque épreuve nouvelle ses succès sont plus nombreux et ses adversaires plus rares. Ces derniers se sont trouvés réduits, le 6 mai, à une phalange insignifiante. A l’exception de quelques hommes dont la situation personnelle est d’ailleurs inébranlable et dont le caractère se plie mal à des compromis, tous les candidats conservateurs ont fait profession de foi républicaine. Ce que nous avons dit des radicaux dans un sens s’applique à eux dans un autre : ils ont tous atténué leur programme de manière à le mettre en harmonie avec les exigences du suffrage universel. La République n’a donc plus eu d’ennemis. Malgré cela, la droite a, comme toujours, perdu un peu de terrain. Les nationalistes ont souffert