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qui arrachent à Messer Guido del Duca da Brettinoro, s’entretenant avec Dante dans le Purgatoire, des larmes et des cris : « Où sont le bon Lizio, et Arrigo Manardi, Pier Traversaro, et Guido di Carpigna ? O Romagnols abâtardis !… Ne t’étonne pas si je pleure, Toscan, quand je me rappelle, avec Guido da Prata, Ugolin d’Azzo qui vécut chez vous, Federigo Tignoso et les siens, la maison des Traversari, les Anastagi,… les dames, les cavaliers, les fatigues, et les aises ; alors on ne rêvait qu’amour et courtoisie, là où les cœurs sont maintenant si mauvais… Bagnacaval fait bien, qui n’a pas de fils, et Castrocaro fait mal, et Conio fait pis qui se mêle d’engendrer de pareils comtes[1]. » Les Varano de Camerino, Gian di Fogliano et Oliverotto da Fermo, Giovanni de la Rovere de Sinigaglia, les Montefeltro d’Urbin et d’Agobbio, les Baglioni de Pérouse, les Vitelli de Città di Castello, Giovanni Sforza de Pesaro, les Malatesta, les da Polenta, les Manfredi, les Bentivogli, les Este, tous sont pour Machiavel des modèles, des sujets pour son objet. De petits modèles, mais il va en avoir de grands, et il va les voir de tout près ; deux surtout, une femme et un homme, ou plutôt une virago et un prince, deux beaux exemplaires de virtù, réduite où il la réduit, où la réduit avant lui, avec lui, après lui, toute l’Italie de la Renaissance : Catherine Sforza, et César Borgia.


CHARLES BENOIST.

  1. Ov’ è ‘l buon Lizio, e Arrigo Manardi,
    Pier Traversaro, e Guido di Carpigna
    O Romagnuoli tornati in bastardi !
    Quando in Bologna un fabbro si ralligna
    Quando ‘n Faensa un Bernardin di Fosco
    Verga gentil di picciola gramigna.
    Non li maravigliar, s’io piango, Tosco,
    Quando rimembro con Guido da Prata
    Ugolin d’Azzo, che vivette vosco,
    Federigo Tignoso, e sua brigata,
    La casa Traversara, e gli Anastagi,
    (E l’una gente, e l’altra è diretata) ;
    Le donne, e i cavalier, gli affanni, e gli agi,
    Che ne ‘nvogliava amore e cortesia
    Là dore i cuor son fatti si malvagi.
    Ben fa Bagnacaval, che non rifiglia ;
    E mal fa Castrocaro, e peggio Conio,
    Che di figliar tai Conti più s’impiglia.
    (Purgatorio, XIV.)