dans le désert de Gobi, dans la « Région aride » du Far West américain comme en Arabie, toutes les manifestations de la vie humaine sont calquées pour ainsi dire sur la répartition de l’eau. Ceux des hommes qui semblent être le plus indépendans des conditions locales, et qui échappent à l’emprisonnement géographique de notre vie sédentaire, les nomades, les grands pasteurs, n’échappent pas à la tyrannie de l’eau : tous leurs parcours, tous leurs itinéraires, toutes leurs razzias doivent avant tout tenir compte des « points d’eau ; » le ravitaillement en eau demeure le plus constant et le plus grave de tous les problèmes quotidiens. Partout l’eau régit souverainement l’activité humaine. — Et quant à notre nourriture, elle est constituée de produits végétaux ou animaux, produits qui proviennent tous d’êtres occupant une place à la surface du globe. Bien mieux, les animaux terrestres dont se nourrissent les humains se nourrissent de végétaux ou d’autres animaux qui se nourrissent eux-mêmes de végétaux. C’est non seulement à la géographie générale de la vie que se rattache la géographie de l’alimentation, mais à la géographie spéciale des végétaux. À l’origine et en principe, à travers des transformations plus ou moins lointaines, on doit retrouver en presque toute nourriture humaine une parcelle du revêtement végétal de la terre ; le représentant d’une espèce herbivore, bœuf, mouton, lapin, chameau, antilope ou éléphant, tond chaque jour pour se nourrir les herbes d’une petite surface terrestre. Le « geste » quotidien de l’homme est plus relevé ; sa tête et sa langue restent plus éloignées du sol ; les mets qu’absorbe le civilisé ou même le sauvage ont été souvent non seulement préparés mais transportés à une longue distance de leur point d’origine… Pourtant, si l’on y regarde bien, les repas d’un être humain représentent d’une manière directe ou indirecte la « tonte » d’une étendue plus ou moins restreinte du tapis végétal, naturel ou cultivé. Sans la végétation, les antropophages eux-mêmes ne pourraient pas vivre sur notre globe. — Et de même les hommes, qui se nourrissent de poissons, prélèvent pour leurs repas quotidiens, plus ou moins indirectement, une portion plus ou moins grande de cette pâture organique de la mer qui est le plankton.
Toutes les fois que les hommes se désaltèrent ou s’alimentent, ils profitent donc de faits de surface qu’ils modifient ; et, par la répétition ininterrompue de leurs repas, ils entraînent des modifi-